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par une loi immuable, et bâtissons les forteresses de Juda des débris et des ruines de celle de Samarie.


Ai-je besoin de faire observer qu’en prêchant ici le dogme, Bossuet ne le détachera pas de l’usage ou de l’application que son auditeur en doit faire ? Quoi que l’on en ait voulu dire, du haut de la chaire chrétienne ce sont bien des leçons de morale qu’il donne, ce sont des règles de conduite qu’il prescrit ; et je me repens de l’avoir jadis représenté, sur la loi de Désiré Nisard, comme j’aurais pu faire un théologien argumentant dans l’école sur le mystère de la Trinité. Mais l’intention polémique, et par suite aussi l’intention doctrinale, est, sinon mieux marquée, du moins plus facile à saisir dans ce second sermon. Contre les libertins, qu’il n’accuse plus ici de dérèglement dans les mœurs, mais plutôt d’orgueil et de confiance en eux-mêmes, dans les fumées de leur propre sagesse, il semble que Bossuet se prépare à ramasser l’arme qui va, dans quelques jours, tomber des mains de Pascal expirant. Et ne peut-on pas dire qu’il va déjà plus loin que l’auteur des Pensées, si ce n’est plus seulement, comme lui, l’indifférence ou l’insouciance des athées qu’il combat en eux, mais leurs attaques auxquelles il se propose de répondre par des ripostes, leurs raisons auxquelles il oppose les siennes, leurs argumens enfin dont il se fait fort de leur démontrer publiquement la faiblesse ? Je ne crois d’ailleurs pas qu’il y ait réussi, dans le second sermon Sur la Providence, et, lui-même, il n’allait pas tarder à s’en apercevoir.

Qu’il y ait, en effet, de l’ordre dans la nature, et un point fixe, par conséquent, d’où se démêle et s’organise l’apparente confusion des affaires humaines ; qu’il y ait des lois, dont la stabilité soit le premier caractère, un caractère sans lequel elles ne seraient pas lois ; et que l’enchaînement secret en forme le système du monde, ce n’était plus, aux environs de 1660, ce que niaient nos libertins, ni surtout les cartésiens, puisqu’au contraire ils arguaient de cette stabilité même des lois de la nature, et de la réalité de l’ordre universel, pour établir en quelque manière l’inexistence de la Providence sur son inutilité. Interrogés sur la place, ou sur le jeu, qu’ils laissaient à l’action divine dans le gouvernement du monde, ils auraient pu déjà répondre, comme ce géomètre, qu’ils n’avaient pas besoin de cette hypothèse ; et, ainsi que l’on disait alors, c’était faire pour eux, en tout cas, que de leur montrer tout l’univers soumis à une loi d’airain dont la nécessité enchaînait Dieu lui-même. Bossuet a failli commettre cette erreur ; mais c’est Fénelon qui y est tombé, dans la première partie de son Traité de l’existence de Dieu.

Les libertins disaient encore qu’il n’était pas de la majesté de