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d’un bon augure pour l’avenir, la peine prise en ces dernières années, pour assurer, à l’aide du procédé électoral dit : « scrutin australien » l’indépendance et la sincérité dans les opérations électorales.

La troisième manière de réaliser le principe démocratique est fournie par le système parlementaire. Ici, le ressort, la force motrice réside dans les chambres. Pendant la durée de leur mandat, elles sont omnipotentes. Les citoyens les élisent, après quoi ils les laissent agir au mieux des intérêts du pays. Ni le peuple comme en Suisse, ni le président comme en Amérique, ne les dominent, prêts à les tenir en échec, si besoin est. Pour les contraindre, sur le terrain légal, à ce qu’elles ne veulent pas, il faut recourir à une dissolution, et le chef de l’État, qu’il s’agisse d’une monarchie constitutionnelle ou d’une république, ne recourra à ce moyen que dans des cas exceptionnels.

Les deux reproches principaux que l’on peut formuler à l’endroit de ce système, c’est qu’il n’est guère favorable à la stabilité ministérielle dont l’absence est toujours si dommageable à l’intérêt public, et qu’il permet aux chambres d’engager le pays, même sur de graves questions, plus avant que le pays ne le voudrait, ce qui jure avec l’essence de la démocratie. Le mal est toutefois moins grand dans les nations décentralisées, parce que l’autonomie locale soustrait des matières importantes à ces inconvéniens ordinaires.

Si le parlementarisme a compté de beaux jours dans plusieurs États, parmi lesquels et au premier rang l’Angleterre, il ne faut pas oublier qu’il s’est développé habituellement dans des démocraties incomplètes, inachevées, conservant des inégalités politiques considérables, où la chambre populaire a pour correctif une chambre héréditaire, où le cens électoral, quoique plus ou moins abaissé, tient encore lieu de digue préservatrice. Qu’adviendra-t-il de ce régime placé dans un cadre franchement démocratique, reposant sur la base du suffrage universel, tel, par exemple, que nous le trouvons en France depuis la troisième république ? Pourra-t-il subsister dans ses traits essentiels, ou bien faudra-t-il le modifier, soit en fortifiant les prérogatives du chef du pouvoir, soit en accroissant les droits populaires ? Nous n’en sommes pas encore à admettre que ses jours soient comptés, mais nous inclinons à croire qu’il subira la loi générale des choses humaines, qu’il ne vivra qu’à la condition de se transformer. Ce qui se passe à l’heure actuelle en Belgique, où le roi demande l’introduction du referendum laissé à la libre disposition du pouvoir exécutif, et cela pour faire contrepoids au parlementarisme, au moment où le suffrage très élargi, peut-être universel, en va changer les conditions, nous parait