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autoritaire ont tout aussitôt cherché à démontrer que le péril n’était pas si imminent ; l’impression produite n’en a pas moins été grande et d’autant plus grande que M. Künzli ne se donne point lui-même pour un réformiste en matière électorale.

Est-ce tout, et les diverses interventions du peuple, que nous venons d’énumérer, marquent-elles le dernier terme dans l’avènement du gouvernement direct en Suisse ?

Ce n’est pas notre pensée, mais on comprend qu’il nous serait assez difficile d’indiquer sans témérité la série de progrès que l’avenir peut tenir en réserve. Il en est qui nous paraissent fort probables, sinon certains ; il en est d’autres que nous croyons d’une réalisation plus difficile, et cependant possibles.

Nous signalerons tout d’abord le rayonnement, jusque dans la sphère de la commune, des droits populaires qui, peu à peu, prennent déjà sous nos yeux possession de la nation et du canton.

Nous indiquerons ensuite la nomination des juges par le peuple, sans disconvenir que cette innovation ne soit combattue par d’excellens esprits comme dangereuse, subversive, et qu’elle n’ait causé certains mécomptes dans les pays où elle a été introduite, notamment aux États-Unis et dans quelques cantons helvétiques. Que devient, demandera-t-on, l’indépendance d’un magistrat, qui, en agissant selon sa conscience, est toujours exposé à créer des mécontentemens qui lui donnent rendez-vous à l’expiration de ses fonctions, et qui n’arrivera à son poste que sous l’égide d’un parti politique ?

On conviendra pourtant que dans les démocraties, — chez lesquelles la magistrature ne saurait être inamovible, — il faut que ce soit ou le peuple ou les corps constitués qui la nomment et qu’il peut être tout aussi dangereux, plus dangereux même, pour un homme en place, de déplaire à une majorité politique dans une assemblée fermée, surchauffée, menée à la baguette, que de mécontenter certains groupes au milieu d’un corps électoral où la libre discussion des hommes et de leurs actes a chance de redresser les erreurs d’appréciation et de ramener les esprits à des sentimens d’équité.

Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, des avantages et des inconvéniens du système de l’élection directe des juges, force est de reconnaître qu’il répond à l’idée régnante en Suisse que le pouvoir est exercé par le peuple. Tout dernièrement, et à une forte majorité, le demi-canton de Bâle-ville est venu se joindre aux cantons suisses, Zurich entre autres, qui désignaient déjà au scrutin les fonctionnaires de l’ordre judiciaire, et, si nous en croyons certains indices, nous ne sommes pas au bout de la série.

Actuellement, le tribunal fédéral est à la nomination des