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Enfin, nous rappellerons qu’en 1874, dans sa nouvelle constitution révisée, le peuple suisse l’a admis en matière fédérale, à titre facultatif, et en a subordonné l’emploi à la présentation d’un pétitionnement signé, soit par 30,000 citoyens, soit par huit gouvernemens cantonaux.

C’était certes un pas hardi d’accorder aux citoyens le droit de statuer en dernière instance sur les décisions des mandataires publics. Mais on l’avait bien prévu, ce n’était là encore qu’une étape, et le referendum appelait son corollaire naturelle droit d’initiative populaire.

La première manifestation positive du droit d’initiative se montre dans le privilège accordé au peuple de décréter à toute heure la révision des constitutions cantonales. Cette prérogative, en étroite corrélation avec le veto constitutionnel, ne tarda pas à marcher pour ainsi dire pari passu avec lui. Et il y avait d’autant plus nécessité à l’admettre que, presque partout, on renonçait aux révisions périodiques pour se contenter de révisions partielles opérées chaque fois qu’il y avait lieu. Mais celui qui a le pouvoir de décréter une révision du pacte fondamental du canton ou de la confédération, celui qui, de plus, a cet autre pouvoir de rejeter les lois qu’il évêque exceptionnellement ou régulièrement à son tribunal, ne saurait être empêché de demander à ses représentans telle ou telle mesure législative ou administrative qui lui semble utile, de leur suggérer l’œuvre à faire et les conditions dans lesquelles l’accomplir. Or, tel est le principe du droit d’initiative populaire, dont l’application revêt trois aspects principaux.

Ou bien les citoyens font connaître leurs vœux à l’autorité législative et lui laissent le soin d’y répondre en élaborant une loi ou un arrêté conforme à leurs intentions. Ou bien ils rédigent eux-mêmes le texte de la loi ou de l’arrêté qu’ils désirent voir introduire, sans que le législateur intervienne autrement que pour le recevoir de leurs mains et le soumettre au corps électoral. Cette dernière forme est celle du décret souverain, et c’est de toutes les combinaisons en présence celle qui a, au plus haut degré, le don d’exaspérer les vieux parlementaires. Ils se demandent, — et l’on peut comprendre jusqu’à un certain point leur appréhension, — ce que seront ces ukases préparés par des comités de circonstance, où il n’est point sûr que les hommes spéciaux, rompus aux secrets de la politique pratique, soient en nombre. Se figure-t-on, par exemple, un projet de tarif douanier élaboré en dehors d’une chambre et soumis tel quel au peuple ?

Une troisième solution, combinaison des deux précédentes, admet, à côté du décret souverain, la possibilité, pour le législateur, d’y