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les précédentes. Elles ne blessent pas, dans leur origine, le principe de l’égalité démocratique, et quand elles abusent par trop de la position, elles sont plus faciles à renverser.

Mais ne vous inquiétez donc pas, s’écrient les chefs des partis dominans, qui, bien vite, ont regardé les fonctions publiques comme une sorte de fief, nous sommes les serviteurs du peuple ; nous voulons son bien qui est le nôtre ; si nous lui faisons parfois quelque petite violence, c’est que nous nous rendons mieux compte que lui des nécessités gouvernementales !

Soyons juste. Nous reconnaîtrons volontiers que le système représentatif avait d’excellentes raisons à invoquer pour sa défense, et qu’il réalise certains avantages incontestables. Mais, dans la donnée de la démocratie, c’est le souverain aux mille têtes qui commande, et la volonté générale fait loi. Telle est la logique du principe. C’est le cas de rappeler le mot de Mirabeau que d’avoir raison contre tout le monde c’est avoir tort. Aussi allons-nous assister, sous l’empire de ce sentiment, vague d’abord, puis de plus en plus défini et conscient, à un remaniement profond dans le mécanisme politique : la démocratie représentative s’achemine vers la démocratie directe.


II

La première phase dans la transformation qui s’annonce, c’est ce qu’on pourrait appeler la démocratie plébiscitaire. Le peuple laissera ses mandataires légiférer et administrer pour son compte, mais il entend, le cas échéant, pouvoir prononcer après eux sur leur œuvre.

Le début de cette intervention directe du véritable souverain dans la marche des affaires se trouve dans le veto constitutionnel. La plupart des pactes cantonaux élaborés depuis 1830 soumettaient tout projet de constitution ou de loi constitutionnelle à la sanction du peuple.

Un peu plus tard apparaît le veto législatif, qui devait bientôt jouer un rôle considérable sous le nom de referendum. C’était là une innovation dans un sens, mais, historiquement, le retour à des pratiques déjà anciennes, conservées seulement sur une faible portion du territoire, savoir les cantons du Valais et des Grisons. Quant au mot de referendum lui-même, il provient de l’habitude où étaient les membres de l’ancienne diète, remplacée aujourd’hui par les chambres fédérales, de n’émettre un avis qu’ad referendum, c’est-à-dire sous réserve de la ratification des autorités cantonales, au nom desquelles ils agissaient.