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c’est l’usage, elle consultera plutôt ses convenances particulières que le goût et les aptitudes de l’enfant.

Supposons donc un père qui est décidé à faire de son fils un ingénieur ou un officier, ou qui croit, comme on l’a tant de fois répété depuis quelques années, qu’il lui serait non seulement inutile, mais nuisible d’étudier les langues anciennes. Il souhaite trouver pour lui une instruction appropriée à l’état auquel il le destine, et où l’on apprenne surtout ce qu’il a besoin de savoir ; mais en même temps, comme il appartient au même monde que ceux dont les enfans vont dans les lycées et suivent les études classiques, il voudrait que cette instruction fût aussi élevée que l’autre, et que l’estime publique pût les placer sur le même rang. Voilà le problème à résoudre. La difficulté ne consiste pas uniquement à laisser de côté l’étude du latin et du grec, — on s’en passait déjà dans les écoles fondées par M. Duruy ; — mais à donner sans elles une instruction littéraire qui soit aussi solide et aussi complète, et qui rende les mêmes services. C’est la prétention de ceux qui viennent de créer l’enseignement nouveau, et ils croient y avoir entièrement réussi[1]. J’avoue, pour ma part, que je ne partage pas leur confiance ; mais enfin l’épreuve va être faite, et l’avenir décidera.

Disons un mot de la manière dont cet enseignement est organisé. On vient de voir qu’il doit durer six ans ; c’est ce qu’avait déjà réglé le plan d’études de 1886. Seulement on a fait une innovation qui a plus de portée qu’il ne le paraît. Les classes, dans l’enseignement spécial, étaient désignées d’après l’ordre naturel : on passait de la première année à la seconde, jusqu’à la sixième, qui était la plus élevée. Dorénavant on suivra l’ordre inverse, comme dans l’enseignement classique : la classe la plus basse s’appellera la sixième, d’où l’on montera en cinquième, puis en quatrième, etc. Celle qui suit la seconde et qui correspond à la rhétorique et à la philosophie de nos lycées s’appelle la première. Jusqu’à la première, les élèves sont réunis ensemble et reçoivent les mêmes leçons ; mais là, ils se séparent. Ceux qui se préparent aux écoles de l’État suivent la première-sciences, où naturellement les mathématiques ont la plus grande place. Les autres, ceux dont j’ai parlé tout à l’heure, et qui tiennent surtout à l’enseignement littéraire, forment la première-lettres. Le baccalauréat se passe en deux fois, comme dans l’enseignement classique. Dans le premier examen qu’on doit subir à la fin de la classe de seconde, les épreuves sont les mêmes pour tout le monde, puisque l’enseignement a été commun. Après la classe

  1. Voyez, sur le caractère des programmes de l’enseignement classique français, l’article de M. Brunetière, dans la Revue du 1er mai.