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voulons surtout y attirer les jeunes gens, qui, par leur situation et leur fortune, sont tout à fait voisins de ceux qui fréquentent les lycées ; et même nous espérons prendre à l’enseignement classique une partie de sa population pour remplir nos établissemens nouveaux. Voilà ceux pour qui sont faits nos programmes, et il est naturel que, les élèves ayant changé, l’enseignement ne soit plus le même. C’est ce dont il faut d’abord se pénétrer si l’on veut comprendre les modifications qu’il a subies.

Pour l’approprier à sa destination nouvelle, on s’y est pris à deux fois. En 1881, on remplace les quatre années de M. Duruy, dont chacune formait en soi un petit ensemble, par deux séries de cours, l’une de trois, l’autre de deux ans, avec une année préparatoire pour les élèves qui viennent de l’enseignement primaire et ne sont pas suffisamment initiés à l’étude des langues modernes. Le premier cours suffit à la rigueur à ceux qui sont les plus pressés de prendre une profession lucrative : ils peuvent quitter l’école, au bout de trois ans, avec un ensemble régulier de connaissances. Les deux ans qui restent doivent former une sorte de division supérieure pour ceux qui ont le désir et les moyens de pousser plus loin leurs études. La sanction de ces études, quand on les aura terminées, doit consister dans un examen particulier, qui remplace le modeste diplôme de M. Duruy et qu’on appelle « le baccalauréat de l’enseignement spécial. » Ce nom, à lui seul, constitue une innovation grave ; il annonce la prétention de mettre les deux enseignemens, l’ancien et le nouveau, sur la même ligne. Il est vrai qu’on ne précise pas encore à quelles carrières le nouvel examen pourra conduire, mais on fait déjà savoir que certaines administrations publiques et certaines écoles du gouvernement sont disposées à s’en contenter et qu’il est appelé à partager bientôt les privilèges du baccalauréat classique, en attendant qu’il le remplace.

Cinq ans plus tard, en 1886, nouvelle réforme, mais dans le même sens, complétant et précisant la première, et qui montre encore mieux où l’on voulait aller. Cette fois, l’année préparatoire disparaît, les deux cycles sont supprimés. Il ne s’agit plus que d’une suite d’études se liant les unes aux autres, et continuées sans interruption pendant six ans. Dans l’intervalle, le baccalauréat spécial a conquis les avantages qu’il souhaitait et qui le l’ont définitivement le rival du baccalauréat classique. Il ouvre la porte de l’École Saint-Cyr, de l’École polytechnique, de l’École normale supérieure, pour la section des sciences, de l’institut agronomique, des écoles de pharmacie ; il permet de se présenter à la licence ès-sciences ; il suffit à ceux qui veulent entrer dans les administrations centrales des ministères et dans les postes et télégraphes.

Voilà pour qui cet enseignement est fait ; le baccalauréat spécial,