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Le cours d’études était calculé pour durer quatre années, et garder les enfans de douze à seize ans environ. Mais, par un artifice ingénieux, chaque année formait un tout complet en soi, en sorte que si les exigences de la vie forçaient l’élève à quitter prématurément l’école, il était, assuré, à quelque époque qu’il en sortît, d’emporter un ensemble bien déterminé de connaissances. Pour ceux qui allaient jusqu’au bout on institua un diplôme de fin d’études, décerné par un jury spécial, qui témoignait qu’ils avaient satisfait leurs maîtres et profité de leurs classes. Le diplôme ne, donnait accès à aucune carrière particulière, mais on espérait que certaines administrations publiques, que les chefs d’usine, de grandes fermes, de maisons de commerce le prendraient en sérieuse considération, et qu’il pourrait procurer des positions avantageuses à ceux qui l’auraient obtenu.

Les matières que comprenait l’enseignement spécial étaient souvent les mêmes que dans l’enseignement classique, mais elles devaient y être traitées d’une autre façon, et dans un autre esprit. M. Duruy, dans les instructions qu’il donnait aux recteurs, en leur envoyant ses programmes, insistait avec une grande élévation sur la manière dont ils devaient être appliqués. « Vous recommanderez aux professeurs, leur disait-il, de ne jamais mettre en oubli qu’il ne s’agit point, dans l’école spéciale, de préparer, comme au lycée classique, des hommes qui fassent des plus hautes spéculations de la science et des lettres leur étude habituelle, mais des industriels, des négocians, des agriculteurs. Depuis le cours préparatoire jusqu’à la dernière année, il faudra diriger constamment l’attention des élèves sur les réalités de la vie ; les habituer à ne jamais regarder sans voir ; les obliger à se rendre compte des phénomènes qui s’accomplissent dans le milieu où ils sont placés, et leur faire goûter si bien le plaisir de comprendre que ce plaisir devienne un besoin pour eux ; en un mot, développer dans l’enfant l’esprit d’observation et le jugement, qui feront l’homme à la fois prudent et résolu dans toutes ses entreprises, sachant gouverner ses affaires et lui-même. En même temps que les sciences appliquées mettront son esprit dans cette voie pratique, les cours de littérature, d’histoire et de morale lui donneront le goût de s’élever au-dessus des réalités du monde physique, pour arriver au beau, au bien et à Dieu, d’où viennent et en qui se confondent toutes les perfections. »

Ainsi fut créé d’un seul coup, en quelques mois, par une volonté énergique, cet enseignement sur lequel on discutait depuis plus d’un siècle ; et il réussit. Ces classes ouvertes si brusquement se remplirent, et depuis elles ne se sont pas vidées : ce qui prouve bien que l’institution répondait à un besoin sérieux.