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L’affaire avait été heureuse. Il n’y avait eu, dans mon bataillon, que deux hommes tués et quatre blessés. Nous avions pris à l’ennemi douze pièces de canon et trois mille fusils. Il nous fut impossible de connaître exactement le nombre des hommes que nous avions eu à combattre, parce qu’un certain nombre des défenseurs, dès qu’ils nous virent parvenus sur les remparts, jetèrent leurs armes, se cachèrent et se mêlèrent avec les habitans. Cependant, nous en avions tué, dans les rues, beaucoup qui se défendaient et qui cherchaient à fuir. La cavalerie acheva le reste.

Outre les trois mille fusils que nous avions ramassés, beaucoup d’armes avaient été jetées dans le Duero.

Je logeai mon bataillon dans deux couvens, l’un de religieuses, l’autre de moines, et, quoiqu’ils fussent abandonnés, les soldats y trouvèrent des vivres en abondance et de quoi faire bonne chère.

Le 12 février, nous étions partis à trois heures du matin, afin d’arriver à Benavente de bonne heure, quand, au village de San-Benian, nous rencontrâmes le reste de la division qui se rendait à Zamora.

Je fus rendre compte de ma mission à mon général de division. En me revoyant, la première chose qu’il me demanda, et en secret, ce fut ce qu’étaient devenues les caisses publiques ?

Je lui répondis que les généraux qui étaient là avaient dû s’en occuper. Il en fut mécontent et me dit aussitôt : « Puisque vous aviez enlevé la ville d’assaut, il fallait vous emparer de la caisse et m’en rendre compte. Entendez-vous ? »

Je ne répondis rien. Je rentrai au régiment.

Le colonel me fit compliment sur le succès de mon expédition ; il ne put me dissimuler quelques regrets de ne pas l’avoir conduite lui-même. Il me demanda si j’avais fait de bonnes affaires.

Je lui répondis que je ne m’étais occupé que de ma troupe et des mouvemens des ennemis, ce qui l’étonna beaucoup.

Les guérillas et les habitans eux-mêmes massacraient les hommes isolés et les blessés ; mais comme ils craignaient les représailles, ils employaient tous les moyens possibles pour faire disparaître les traces de leurs crimes.

Le 12 août 1809, le 8e de ligne passa le Tage à Tolède. Nous