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réclamations se sont élevées, M. Basly a protesté, — et le gouvernement a cédé ! il a proposé une loi nouvelle réduisant la durée de la pratique ouvrière pour les membres des syndicats ; une commission est survenue et a proposé une diminution nouvelle de cette durée, en la réduisant au point où elle ne serait plus qu’une garantie illusoire.

De proche en proche, de concession en concession, on en vient à cet état qu’on voit aujourd’hui, où les syndicats créés pour les ouvriers ne sont plus que des instrumens entre les mains d’agitateurs qui s’en servent, qui les dirigent, fomentant les grèves — auxquelles le conseil municipal se hâte d’offrir des subsides ! Et à quoi tout cela peut-il conduire, si ce n’est à des mécomptes pour les ouvriers eux-mêmes, à des crises inévitables dans toutes les industries, à des troubles dans le pays, dans tous les services publics ! Ce n’est pas en se laissant aller à un socialisme équivoque, ce n’est pas non plus avec le conseil municipal de Paris, ni avec les réhabilitations des personnages révolutionnaires, qu’on reviendra à des idées plus vraies, à un sentiment plus juste des intérêts et de la grandeur de la France.

Ce qui arrivera de l’Europe, de l’ordre universel, dans un avenir plus ou moins éloigné, plus ou moins prochain, nul n’en a certes le secret. C’est le grand inconnu pour tous, même pour ceux qui croient mener le monde, qui se flattent d’arranger à leur gré les événemens, de les plier d’avance à leurs calculs ou à leurs intérêts. Ce n’est pas moins toujours un phénomène curieux que cet état indéfinissable où l’on ne cesse de parler de la paix, de déclarer que la paix est assurée, et où l’on est à la poursuite de toute sorte de combinaisons défensives ou offensives, où se succèdent les négociations d’alliances, les voyages des souverains à la conquête d’amitiés nouvelles, les promenades des escadres envoyées, comme des messagères énigmatiques, pour porter des complimens qui ressemblent à des démonstrations. Qu’en faut-il croire ? Il y a eu visiblement, depuis quelques jours, depuis quelques mois, entre quelques-uns des états de l’Europe, un redoublement d’activité pour confirmer ou renouveler de vieux engagemens, et il paraît bien avéré désormais que la triple alliance a été renouvelée. L’empereur Guillaume II, en passant, il y a quelques jours, à Hambourg, s’est empressé d’annoncer que c’était signé depuis la veille : il l’a déclaré encore plus récemment à Amsterdam, dans son voyage en Hollande. On n’en peut donc plus douter ! A la vérité, ce n’est pas sans quelques tiraillemens qu’on en est venu à bout. Si la nouvelle a été accueillie avec une évidente satisfaction en Allemagne, elle semble avoir été reçue plus froidement en Autriche, et elle a rencontré d’assez vives contestations en Italie. La simple présomption du renouvellement de la triple alliance a été l’objet d’une interpellation de M. Cavallotti, et elle a provoqué des scènes tumultueuses dans le parlement. Le président du conseil, M. le marquis di Rudini, n’a pas pu aller jusqu’au