Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/457

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

armes à feu, qu’elle a conservée, se trouve à l’extrême frontière du « pays noir, » de la région des mines de fer et de houille, non pas au centre même, comme on pourrait s’y attendre. Quand l’âge de la vapeur, l’âge du fer et de la houille sont venus, elle a pris l’essor avec une vigueur merveilleuse.

Jusqu’en 1838 il n’y eut pas, à proprement parler, d’administration municipale à Birmingham. Des comités, portant parfois des noms bizarres, ne participant ni de près ni de loin au régime représentatif, mais formés de membres irresponsables et renouvelés par cooptation, avaient charge, dans les diverses paroisses de la ville, qui de la police des rues, qui de la police des marchés, qui des services religieux. Les affaires de la ville étaient fort mal faites ou plutôt n’étaient pas faites du tout par ces honorables magistrats, qui considéraient leur place comme une grasse sinécure et n’avaient assurément aucune idée ni aucun souci de l’intérêt général. Il y a cinquante ans, l’agglomération de paroisses portant le nom de Birmingham comptait déjà 180,000 habitans. La ville était dans un état lamentable : les rues mal pavées, à peine éclairées, en partie dépourvues de ruisseaux ou dégoûts. L’eau potable n’était distribuée que deux fois la semaine par une compagnie à monopole. Le centre même de la cité était occupé par un quartier infect et misérable, sans air et sans lumière, composé de huttes sordides entassées autour d’étroites cours non pavées, où l’eau du ciel et les immondices venaient s’accumuler et croupir, formant cloaque. Dans un pareil milieu, les épidémies succédaient aux épidémies.

Birmingham n’avait aucune existence administrative : simple amas de paroisses étrangères les unes aux autres, elle dut cependant sa rapide croissance à ce fait qu’elle était une « ville libre, » ouverte à tout venant, sans restriction d’aucune sorte. Elle reçut en 1832, par l’acte de réforme, le droit d’envoyer deux députés au parlement. Une sorte d’opinion publique ne tarda pas à se former et à se manifester en protestant avec vigueur, pendant huit ans, contre la corruption et l’incurie des comités. En 1838, après une lutte vraiment homérique entre les comités, peu disposés à quitter la place, et les citoyens, pressés de s’administrer eux-mêmes, une charte d’incorporation était accordée : le 26 décembre 1838, Birmingham élisait son premier conseil municipal ; et, quelques jours après, elle avait son premier maire. Les comités déchus ne se tinrent pas pour battus ; ils attaquèrent dans des meetings, dans la presse, enfin devant le parlement et les tribunaux, la validité de la charte d’incorporation. Ils disputèrent le terrain pied à pied. En 1842, le parlement leur donna tort ; mais ils ne furent définitivement battus et ne disparurent tout à fait qu’en 1851.