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aux traits épais et forts ; le type blond, aux yeux bleus, aux traits énergiques et fins. L’un rappelle lointainement le type touranien, l’autre, le type aryen dans ce qu’il a de plus noble. Bien des races se sont mêlées sur ces côtes. Le type qui prédomine parmi les femmes est très pur : la figure allongée, le nez mince et droit ; de grands yeux tranquilles et chastes, le geste sobre, hiératique. A côté de ce type, j’en ai vu un autre, plus méridional, qui rappelle la charmante Velléda de Maindron : nez busqué, yeux hardis, taille mince et larges flancs avec la démarche onduleuse des cavales ; l’antique druidesse à côté de la madone.

La vraie Bretagne ne se révèle que plus loin, dans l’intérieur des terres, aux approches de Vannes. Un changement graduel se fait dans la physionomie du paysage. Aux champs cultivés succèdent de vastes pâturages semés de petit bois, comme en Normandie. Mais l’inégalité du terrain, ses mouvemens brusques, son inquiétude constante annoncent le sol de la vieille Armorique. A chaque instant, le granit perce et se hérisse en pierres grisâtres. Et puis ondulent à perte de vue les collines recouvertes de bruyères violettes. Les landes maigres alternent avec les combes savoureuses. De distance en distance, des fissures s’ouvrent dans le grand plateau de granit qui forme la presqu’île armoricaine. Là, coulent profondément encaissées des rivières brunes. Elles serpentent mystérieusement entre les bois épais et les claires prairies et forment parfois des vallées charmantes. Les villages nichés sur ces collines ou dans ces plis de verdure se distinguent à peine des rochers ; car ils sont tous bâtis en granit gris. Grises aussi les églises, aux porches profonds, embroussaillés d’une végétation de pierre en gothique flamboyant… Les nefs sont souvent basses et humbles comme la dévotion de cette race fidèle à sa terre et à ses affections. Mais la hauteur des clochers carrés, à flèches aiguës et ajourées, à quatre tourillons qui rognent sur ces campagnes, semble attester que dans ces populations la pensée religieuse domine souverainement et tyranniquement toutes les autres. Une lande, un dolmen, un calvaire, un fin clocher et la mer qui gronde au loin, c’est toute la Bretagne. Austérité chrétienne bâtie sur la sauvagerie celtique. Le pays tout entier a l’air de se souvenir et de prier. Vaste sanctuaire d’où la vie moderne est absente et qui s’immobilise dans la pensée de l’éternité.

C’est une vieille ville celtique que Vannes avec ses rues montueuses, ses maisons de granit et ses toits d’ardoise couverts d’une mousse jaune. On parle breton dans les rues. Les Vannetaises portent encore la grande cornette et le fichu bleu sur leur robe noire. Mais hâtons-nous vers le but. Dépassons