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C’est ainsi que, au XVIIIe siècle, les sages d’Israël apprenaient à leurs enfans la science de la vie. Étonnons-nous, après cela, de la bassesse de ce Maimon, un des types les plus accomplis du juif d’avant la révolution : âme vile et haute intelligence. Il saura, ce rabbin autodidacte, devenir un des métaphysiciens les plus subtils de l’Allemagne, tout en restant un fripon de mendiant. Raffinant sur la noble philosophie de Kant, il planera avec aisance dans la sphère éthérée des idées pures, tout en continuant de ramper dans les plus vulgaires soucis d’une vie terre à terre. Le penseur, chez lui, gardera les sentimens, les instincts, les mobiles d’un parasite de bas étage. Malgré toute sa science et sa philosophie, il tombera au-dessous des plus dégradés de ses congénères, car, avec sa foi traditionnelle, il aura perdu le bâton sur lequel, à travers tous leurs abaissemens, s’appuyaient les plus méprisés des vieux juifs. Et le cas de Maimon, remarquons-le en passant, n’est pas unique. Plus d’un israélite moderne, sous des dehors d’élégance bien différens de la répugnante grossièreté du petit-fils du cabaretier de Lithuanie, est, en fait de morale, logé à la même enseigne. Dépouillé des croyances de son peuple sans avoir pris les nôtres, n’ayant plus, comme tant d’entre nous, qu’une vacillante notion du devoir, sans avoir reçu de ses ancêtres, comme la plupart d’entre nous, l’inflexible sentiment de l’honneur, ou sans avoir eu le temps ou l’occasion de s’en imprégner à notre contact, le juif déjudaïsé est trop souvent vide de tout sentiment moral.

Il y aurait beaucoup à dire sur la morale du juif, là même où, par bonheur pour lui et pour nous, la Thora n’a pas perdu toute prise sur l’âme d’Israël. Chaque race se fait une morale en rapport avec ses conditions d’existence. Comment celle des fils de Jacob ne se serait-elle point ressentie de l’existence que nous leur avons faite ? La morale d’un peuple ou d’une religion ne tient pas, tout entière, dans ses lois ou dans ses livres sacrés ; elle s’élève et s’abaisse, elle s’altère ou s’épure avec les nécessités de la vie. Le juif, naturellement, s’est fait une morale d’accord avec son oppression et son abjection. C’est ici surtout qu’a opéré l’éducation séculaire. Aux fils de Juda, la vie apparaissait, dès l’enfance, comme une guerre avec tout ce qui les entourait, guerre sournoise, guerre de pièges et d’embûches, où le juif ne devait compter que sur son habileté et sa dextérité. Ses ancêtres, dont il lisait les hauts faits dans la Bible, avaient combattu avec l’épée et le javelot : ses armes, à lui, les seules à sa portée, étaient l’intrigue, la fraude, l’astuce, la dissimulation. Il en a été d’Israël comme de toutes les races longtemps foulées et avilies. Nous savons ce que la conquête romaine, le despotisme byzantin et le joug turc ont longtemps fait