Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de leur développement physique[1], trop souvent arrêté par le mauvais régime et l’insuffisance de l’alimentation, il est malaisé de nier la promptitude de leur développement intellectuel. Cette précocité de l’intelligence juive, chacun de nous a pu la remarquer ; j’en ai, pour ma part, été souvent frappé. Elle n’est peut-être pas étrangère aux succès des fils et des filles de Juda dans tous les collèges et les écoles dont l’accès leur est ouvert. On sait que de couronnes remportent, dans cette modeste arène scolaire, ces chétifs athlètes. S’ils y gagnent rarement les prix du « Lendit, » ils sont, sur tous les champs de l’Europe, parmi les meilleurs coureurs des luttes classiques. J’ai entendu des Allemands s’appuyer de cette précocité intellectuelle du juif, pour demander que les enfans israélites ne fussent pas élevés dans les mêmes écoles et les mêmes gymnases que les autres enfans. « Entre les fils du Nord, les pâles Germains, aux cheveux blonds et à l’intelligence lente, et ces fils de l’Orient, aux prunelles noires et à la compréhension rapide, la lutte, disaient-ils, n’est pas égale. »

A quoi attribuer cette maturité avant l’âge, et cette prompte ouverture de l’intelligence juive ? Est-ce uniquement à la race et au sang oriental ? N’est-ce pas, autant et davantage, à l’éducation historique, à la sélection séculaire, à la longueur et à l’âpreté de la lutte pour l’existence par laquelle ont dû successivement passer cent générations ! Moqué, insulté, bafoué, battu, dès le jeune âge, le petit juif a, dès l’enfance, appris à réfléchir, à observer et à s’observer. La précocité de sa raison ne tient souvent qu’à la précocité de ses souffrances. Il a plus tôt, et plus chèrement, acquis l’expérience de la dureté de la vie. Son enfance est tronquée, et brève est sa jeunesse. L’heure des soucis et des efforts sonne plus tôt pour lui, et l’âge des longs rêves et des vagues espérances dure moins longtemps. J’ai souvent remarqué sa figure pensive ; c’est un des traits de la race[2]. Au moral, comme au physique, le juif a peu de jeunesse. Plus vous marchez vers l’Est, plus cela vous

  1. Voyez, par exemple, Jos. Jacobs : On the racial characteristics of the modem Jews. London, Harrison, 1885, p. 51.
  2. Cela, m’assure-t-on, est sensible dans les photographies du type juif prises, à une école israélite de Londres, par le docteur Gallon, selon sa méthode d’images individuelles combinées en une image « composite. »