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défraient aujourd’hui les conversations, alimentent la presse périodique, la littérature et même le théâtre.

Les médecins n’ont pas créé ce courant, mais ils sont tenus de le diriger. C’est à eux qu’il appartient de renseigner les familles et de les mettre en garde contre les exagérations. En ce qui a trait à la tuberculose, ils doivent leur rappeler que les faits de contagion sont rares, qu’on peut vivre pendant de longues années avec des phtisiques sans le devenir, que les personnes attachées au service des établissemens spécialement réservés à la tuberculose ne deviennent pas plus souvent poitrinaires que celles qui vivent dans les autres hôpitaux[1].

Il faut qu’on sache bien encore que les phtisiques ne sont dangereux qu’une fois parvenus à la période de ramollissement des tubercules ; que ce n’est pas au moment où les produits de leur expectoration sont émis qu’il faut s’en défier, mais seulement lorsqu’ils sont desséchés et mêlés aux poussières des appartemens ; que les vêtemens, les objets de literie qui ont servi à ces malades, que la chambre qu’ils ont habitée sont plus à craindre que leurs personnes et qu’il y a plus de danger à coucher dans une pièce qu’un poitrinaire vient de quitter, qu’à causer avec lui pendant de longues heures.

Il est bon de prémunir contre ce péril spécial les familles nomades qui promènent leur existence à travers l’Europe et qui fréquentent, pendant l’hiver, les villes d’eaux et les stations thermales où l’on envoie les tuberculeux. On cite des cas de phtisie survenue, chez de jeunes sujets, pour avoir occupé, dans un hôtel, une chambre dans laquelle venait de mourir un poitrinaire et qui n’avait pas été désinfectée.

C’est encore aux médecins qu’il appartient d’indiquer aux familles des malades les précautions qu’il est raisonnable de prendre et le moment où il convient d’y recourir. A maintes reprises, des congrès, des sociétés savantes ont rédigé des instructions détaillées à l’usage des familles ; mais bien des gens se sont demandé s’il n’y avait pas plus d’inconvéniens que d’avantages à répandre de pareilles informations dans un public dont la majorité ne peut ni les comprendre, ni en tirer parti. Le public se compose, en effet, d’une foule qui ne s’en soucie guère, par ignorance d’abord, et ensuite parce que sa pauvreté ne lui permettrait pas d’en tenir compte. Le reste, la minorité intelligente et aisée, a toujours un

  1. A l’hospice de Brompton, où 15,262 phtisiques ont été traités pendant un laps de vingt ans, il n’y a pas eu un seul cas de contagion parmi les personnes attachées à l’établissement. En trente-six ans, de 1846 à 1882, il ne s’est produit, parmi les infirmiers et les infirmières, qu’un seul décès par phtisie qu’on ait pu attribuer au séjour de l’hôpital. (Bulletin de l’Académie de médecine, 1889, t. XXI, p. 536.)