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En voyant la prodigalité avec laquelle la tuberculose répand partout ses bacilles, on se demande comment il se fait que le genre humain tout entier ne soit pas devenu leur proie. Cela tient à ce qu’il faut, pour leur propagation, un ensemble de conditions dont la réunion n’est heureusement pas facile. Pour allumer un incendie, il ne suffit pas d’une étincelle, il faut encore un amas de matières combustibles ; pour produire une maladie contagieuse, il ne suffit pas d’un germe, il faut encore un organisme disposé à le recevoir et à le féconder.

Lorsque la misère, les maladies antérieures, les privations ou les chagrins, les fatigues ou les veilles ont affaibli l’organisme, le terrain est tout prêt pour la maladie. Lorsqu’un grand nombre d’individus sont réunis dans l’atmosphère confinée d’une habitation trop étroite, s’il s’en trouve qui aient des dispositions constitutionnelles ou héréditaires à contracter la tuberculose, il suffit de quelques germes répandus dans l’atmosphère, pour la faire éclater. — C’est ce qui explique les ravages qu’elle fait souvent dans les prisons, les pensionnats, les casernes, où elle prend parfois les allures d’une épidémie ; c’est ce qui explique l’influence de l’âge, du sexe, du genre de vie, et de toutes les causes qui, pour se rencontrer au seuil de toutes les maladies, n’en ont pas moins une part considérable dans la production de celle-ci.

J’ai parlé tout à l’heure des affections antérieures qui préparent le terrain pour la tuberculose ; ce ne sont pas seulement celles qui affaiblissent l’organisme et diminuent sa force de résistance, ce sont surtout les maladies inflammatoires des organes de la respiration. Tous les médecins savent combien on voit éclore de tuberculoses pulmonaires, après la rougeole, la grippe et les bronchites répétées. L’opinion des gens du monde, qui considèrent la phtisie comme un rhume négligé, renferme une parcelle de vérité comme toutes les croyances populaires, et les travaux modernes en ont donné l’explication.

Pour produire la tuberculose, il ne suffit pas que les bacilles arrivent dans les voies respiratoires, il faut qu’ils puissent s’y implanter. Lorsque les bronches et les cellules pulmonaires sont en bon état, que le revêtement qui les protège est intact, ils ne trouvent pas de place convenable pour se greffer et, comme leur développement est très lent, ils sont chassés par les mouvemens des cils vibratiles ou entraînés par les mucosités. S’il existe, au contraire, une bronchite intense, si le revêtement épithélial est détruit ou altéré par places, si les mucosités sont adhérentes, les bacilles trouvent là une porte toute ouverte, un milieu tout préparé ; ils s’y cantonnent et commencent cette évolution lente qui leur est propre et qui ne se traduit que longtemps après par des phénomènes caractéristiques.