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maison dans laquelle mourait un poitrinaire était mise à l’index et le propriétaire se trouvait ruiné.

Ces prescriptions étaient la reproduction presque textuelle de celles qu’on avait édictées contre la peste, à l’époque de ses grandes invasions, et elles ont été exécutées à Naples, dans toute leur rigueur, jusqu’en 1848.

En France, nous n’avons jamais rien connu de semblable. Quelques esprits supérieurs, comme Laënnec et Andral, avaient bien émis quelques doutes au sujet de la contagion des affections tuberculeuses ; mais personne n’y songeait plus, lorsque le docteur Villemin eut assez d’indépendance d’esprit pour reprendre la question en la plaçant sur son véritable terrain, et assez de talent pour transformer une superstition populaire en vérité démontrée.

Sa découverte causa plus d’étonnement que d’admiration. Le jour où il vint annoncer à l’Académie de médecine qu’il était parvenu à inoculer la tuberculose à des lapins, sa communication fut écoutée en silence et aucune discussion ne s’ensuivit. Il n’en fut pas de même dans le monde des laboratoires. Chacun s’y mit à l’œuvre, en France comme à l’étranger ; mais les résultats qu’obtinrent les expérimentateurs présentèrent des divergences trop grandes pour lever tous les doutes. On n’était pas encore, à cette époque, suffisamment familiarisé avec ce genre de recherches, et la technique des inoculations n’avait pas atteint le degré d’exactitude qu’elle présente aujourd’hui.

Cependant les esprits étaient fortement ébranlés. Chacun fit appel à ses souvenirs ; on examina les faits cliniques de plus près, et force fut bien de reconnaître que la transmission de la maladie était incontestable dans certains cas. Enfin, la découverte du bacille de la tuberculose vint dissiper toutes les hésitations en donnant aux inoculations un degré de certitude qui leur avait manqué jusqu’alors et en expliquant la virulence par la démonstration du micro-organisme qui en est l’agent. C’est au professeur Koch que revient le mérite de l’avoir découvert et de l’avoir rendu visible pour tout le monde à l’aide d’un procédé de coloration particulier. Le 10 avril 1882, lorsqu’il vint annoncer à la Société de physiologie de Berlin qu’il était parvenu à isoler le bacille de la tuberculose, qu’il l’avait cultivé, et, qu’à l’aide de ses cultures, il pouvait, à volonté, reproduire la maladie, cette nouvelle fut accueillie avec un enthousiasme bientôt partagé par tous les savans de l’Europe. Le microbe qu’on cherchait avec tant d’ardeur depuis sept ans était enfin découvert et, comme le physiologiste de Berlin, dans son travail magistral, avait indiqué de la manière la plus précise la marche qu’il avait suivie pour le découvrir, chacun put vérifier l’exactitude des faits qu’il avait avancés.