Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que des notes éparses. Pourquoi y avoir ajouté d’autres ébauches, dans lesquelles l’insuffisance des dessous, la négligence de la forme, deviennent si apparentes, que tout le charme superficiel des taches agréables ne les saurait excuser et qu’elles peuvent inspirer des craintes pour les ouvrages futurs de ce sincère et courageux artiste ? Les portraits de M. Gervex, sauf celui de Prévost, le maître d’armes, ne nous semblent pas non plus tous exécutés avec cette verve, cette distinction et cet éclat que l’on aimait dans ses ouvrages antérieurs. Le Portrait de Mme Jacob de R… et le Portrait de Dame, sous le nom d’étude, par M. Duez, peuvent aussi passer pour de très bonnes préparations ; M. Duez a réservé tout son soin pour le Portrait en pied de S. Em. M. Foulon, cardinal-archevêque de Rouen. C’est une figure bien étudiée ; M. Duez s’y est efforcé de donner à son dessin toute la précision et à son style toute la gravité qui conviennent en ces occasions ; peut-être même y sent-on un peu cet effort dont le brillant artiste s’était trop déshabitué. On n’y trouve point, dans l’attitude et dans l’expression du personnage, dans le jeu des rouges sur rouges, cette aisance puissante qui donne un si grand prix au Portrait du cardinal Bernadou, par M. Delaunay, aux Champs-Elysées. C’est néanmoins une œuvre sérieuse et estimable et qui n’aura pas été inutile au développement de l’artiste. On peut rapprocher des portraits de MM. Carolus Duran et Duez ceux de plusieurs peintres américains, dont la manière souple, colorée, rapide, semble dériver de la leur ; un Portrait de jeune garçon, par M. John Sargent, trois portraits de jeunes filles et plusieurs figures de contrebandiers et de mañolas espagnoles, d’une exécution vive et chaude, par M. Dannat.

Autour de ces brillans improvisateurs, on distingue deux autres groupes de portraitistes qui semblent pénétrés du désir d’entrer plus avant dans l’expression morale ou intellectuelle de leurs contemporains, de s’en tenir un peu moins à l’éclat extérieur des visages et des vêtemens, d’abandonner la pose immobile du modèle dans l’atelier pour rechercher son attitude familière dans son milieu habituel. C’est ici que les accessoires de toute espèce : tentures, mobilier, ustensiles et bijoux, paysages, entrent en jeu pour contribuer à la mise en scène ; c’est ici également que l’artiste a besoin d’une habileté plus variée et d’un goût plus souple. Ces deux groupes qui s’entendent sur le but à atteindre ne s’entendent pas du tout sur les moyens à mettre en œuvre, et nous les voyons employer, dans les mêmes intentions, des procédés absolument différens, parfois avec le même succès. Les uns pensent donner plus de vie à leurs figures par une introduction hardie des lumières imprévues, naturelles ou factices, dans le milieu où ils