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LES
SALONS DE 1891

III.[1]
LE SALON DU CHAMP DE MARS.


I

Rien de plus naturel que le désir d’innover. C’est l’aiguillon nécessaire aux artistes et aux poètes, créatures impressionnables, dont l’exaltation individuelle produit et explique la fécondité. Encore faut-il que ce désir ne se déchaîne pas à tort et à travers, sans tenir compte des lois inhérentes aux matières mêmes sur lesquelles il s’exerce, car il risque fort, dans ce cas, de n’aboutir qu’à des résultats négatifs et de n’engendrer que des œuvres mort-nées. Il est clair que la plupart des exposans au Champ de Mars sont beaucoup plus tourmentés que la plupart de leurs confrères des Champs-Elysées par ce désir d’être novateurs, ou du moins de le paraître ; mais, chez quelques-uns, ce désir tourne à la folio et, dans leur rage de se mettre vite à la mode, tel et tel, que tout le monde nomme, qui avait donné naguère tant de grandes et de petites espérances, lâchant la proie pour l’ombre, s’abandonne tout d’un coup lui-même pour se précipiter sur les talons de celui qui lui paraît courir le plus vite. La première impression qu’on éprouve cette année, dans les galeries violemment éclairées du Palais des Beaux-Arts, en longeant la double file de

  1. Voyez la Revue du 1er et du 15 juin.