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rien jusqu’ici en matière de crédit agricole, sinon sur un point unique qui n’est peut-être pas le plus important, la limitation dans une certaine mesure du privilège du propriétaire quant au gage relativement au préteur, votée par le sénat. Le crédit agricole est-il réservé à un meilleur avenir dans les discussions qui vont s’ouvrir ? La proposition de loi, en ce moment soumise à la chambre des députés, dont nous avons indiqué l’origine, mérite une attention particulière par la nouveauté du plan projeté, qui la rattache aux syndicats agricoles. S’il ne comprend pas toutes les formes de ce crédit, il répond à celui qui se fait par avances de marchandises, et s’applique aussi bien aux artisans des campagnes qu’aux cultivateurs, à l’image de ce qui se passe en Écosse et dans la plupart des pays où des banques populaires se trouvent établies au milieu des populations rurales. L’innovation se réduit à conférer aux syndicats la faculté de s’immiscer dans ces opérations, comme ils s’occupent déjà aujourd’hui de la vente et des achats des matières et instrumens utiles au cultivateur. Sans être aucunement obligés de se mêler de ces opérations, les syndicats y seraient seulement autorisés, et leur décision à cet égard dépendrait du bon vouloir de leurs membres et des besoins des localités. Leur rôle consisterait à examiner la solvabilité de ceux qui demandent le crédit et à leur servir de répondant, comme cela se pratique dans les banques populaires. Il ne serait pas très difficile à ces associations, composées d’hommes investis de la confiance générale et appartenant au pays, de mesurer, comme dit le rapport, la capacité de crédit de ceux qui ont besoin d’obtenir du temps pour payer. L’exposé des motifs insiste avec raison sur les conditions d’un fonctionnement dans lequel tout serait à jour, la nature des opérations, les ressources des syndicats, la part des responsabilités de leurs adhérens dans les engagemens pris par eux. Le syndicat serait tenu à une comptabilité régulière et ne laisserait aucune ouverture à la spéculation, par l’interdiction d’émettre des actions ou litres donnant droit à une part proportionnelle dans les bénéfices. Pour former le capital, on n’aurait recours qu’aux cotisations des agriculteurs et aux souscriptions que les membres du syndicat seraient autorisés à verser en compte courant. Si ce n’est pas là toute l’économie, ce sont là les lignes principales d’un projet qui réduit la tâche des syndicats à recevoir les billets souscrits aux fournisseurs et à y mettre leur garantie. On prévoit le cas où les syndicats ne se borneraient plus à donner leur signature, mais où ils consentiraient à faire directement à leurs adhérens des avances en nature. L’exposé des motifs fait remarquer que ce changement ne modifierait pas les chances de sécurité en rendant