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dans son ensemble, fait partie de l’outillage immense et compliqué qu’exigent ces nécessités d’ordres divers. Otez cette pièce essentielle, tous les ressorts du mécanisme industriel et commercial risquent de se désagréger et le mouvement de s’arrêter. A sa place et dans sa mesure, le crédit spécial dont nous avons à nous occuper ne dément pas ces assertions. Nous prendrions donc difficilement notre parti d’être en quelque sorte exclus de ses avantages par la raison générale que nous répugnons à l’association, si nous ne trouvions heureusement dans des circonstances historiques, dont l’effet va s’affaiblissant, l’explication de l’insuffisance dont on nous accuse et dont nous sommes le premier à nous plaindre. Voilà près d’un siècle qu’en vertu d’une loi de la révolution, bien souvent rappelée, on nous interdit l’association, interdiction levée seulement en 1884, et l’on s’étonne que nous ayons fait peu de progrès dans cette carrière presque absolument fermée ! Permettez-nous de nous étonner bien davantage de la rapidité vraiment soudaine avec laquelle les syndicats agricoles se sont formés, multipliés jusqu’à compter des millions d’adhérens, enfin mis à l’œuvre avec autant d’intelligence que d’activité dans ces mêmes campagnes auxquelles on imputait spécialement, et non sans raison, leur esprit d’isolement !

N’a-t-on pas nié aussi jusqu’à l’utilité du crédit pour l’agriculture, où, dit-on, il ne trouverait pas sa place, comme s’il y avait une industrie quelconque, faisant des achats et des ventes, qui n’eût besoin de quelque crédit. Il n’en est aucune à laquelle il ne soit nécessaire pour mener à bien une entreprise, pour franchir des momens difficiles, pour continuer les affaires courantes, pour parer à des pertes éprouvées et pour qu’on ne soit pas obligé de vendre avec précipitation au lieu d’attendre l’occasion favorable. Qu’est-ce donc si on se reporte aux circonstances actuelles ? A entendre certaines personnes, on serait tenté de se croire au temps de l’agriculture patriarcale ; elles tiennent un langage qui aurait été à peine acceptable quand il n’y avait ni voies de communications, ni échange de produits hors du rayon le plus limité, ni instruction primaire et agricole, ni machines, ni méthodes perfectionnées. Aujourd’hui, tous ces instrumens de progrès existent ; ils influent sur la production du sol, et non moins sur les relations des hommes entre eux. C’est une situation vraiment nouvelle. Nous n’exagérons rien en affirmant que les sciences appliquées à l’agriculture sont en train d’opérer une de ces révolutions silencieuses qui, pour n’avoir pas l’éclat de celles qui se produisent sur la scène politique, ne sont pas moins profondes et sont plus certainement profitables. La fécondité de celle qui se fait sous nos