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exécutèrent une attaque centrale et marchèrent vers le centre et la droite des Anglais.

Le bataillon de grenadiers, conduit par un officier qui n’avait servi que dans l’état-major du maréchal Victor et qui manquait de l’habitude des troupes, lut maltraité et repoussé.

Le 4e corps traversait, en colonnes serrées, une forêt d’oliviers qui lui masquait les ennemis. C’est dans cet ordre qu’il aborda leurs retranchemens et la ferme barricadée à laquelle les Anglais appuyaient leur droite. Ce corps fut reçu par un feu terrible. Il éprouva beaucoup de mal et, par sa formation même, en fit très peu à l’ennemi. Enfin, après une demi-heure du feu le plus violent, le 4e corps recula.

Pendant que cela se passait à sa gauche, la division Lapisse franchissait le ravin qui la séparait de l’ennemi. Elle marchait, par brigades, sur deux lignes. La première, composée des 16e léger et 45e de ligne, la seconde des 8e et 54e régimens. Aussitôt que la première ligne eut franchi le ravin, elle reçut un feu roulant d’infanterie et d’artillerie qui y causa quelque désordre. Le général Lapisse, sans donner le temps aux officiers supérieurs de reformer leurs troupes, que le passage du ravin avait mises un peu en confusion, fit sortir six compagnies de voltigeurs et, se mettant à leur tête, les mena à la charge. Ces six compagnies furent écrasées avant d’avoir pu atteindre les Anglais, et leurs débris furent rejetés sur leurs bataillons, dont elles masquèrent le feu. L’ennemi profita du moment pour charger cette brigade, qui repassa le ravin en désordre, et entraîna avec elle le 3e bataillon du 8e placé à ma gauche. Son chef, le commandant Develle, fut tué, en cherchant à le rallier. Le général Lapisse avait aussi payé de sa vie son attaque mal préparée.

Le 8e et le 54e régiment, quoique isolés, continuaient d’avancer. Nous passâmes le ravin, avec tout l’ordre possible, et nous nous reformâmes de l’autre côté, sous le feu de l’artillerie anglaise. Une colonne d’infanterie se dirigea sur mon bataillon. Nous avions l’avantage d’être déployés. J’étais attentif pour profiter du moment où cette colonne voudrait se déployer à son tour. Le terrain étant en pente de notre côté, je la voyais de son premier rang au dernier, toutes les têtes se montrant en amphithéâtre. Je la laissai approcher tant qu’elle voulut ; mes soldats avaient les armes apprêtées. J’avais défendu absolument que personne fît feu avant mon ordre, et j’avais prévenu que j’ordonnerais un feu de bataillon. Quand cette colonne fut à environ soixante pas, je vis son chef s’agiter beaucoup ; il ne savait comment se tirer du mauvais pas dans lequel il s’était engagé. Il voulut retourner en arrière ; je