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mettre de lui conter ces tables, et, de toute fac^on, on en conviendra, la paix a été bien gardée pendant quelques années, sous la protection ou avec le concours d’un homme capable de faire ainsi de la politique ! M. Crispi n’est plus, fort heureusement, au pouvoir pour exercer un si beau talent, et il en est aujourd’hui pour ses révélations saugrenues d’homme d’État en disponibilité. La seule chose sérieuse, c’est cette question des alliances de l’Italie que le nouveau ministère a recueillie en arrivant au pouvoir, et qui paraît s’agiter encore, peut-être même plus que jamais, au-delà des Alpes.

Qu’en faut-il penser réellement ? Où en est la négociation qu’on dit engagée pour le renouvellement de la triple alliance, de cette alliance qui n’a fait que se développer et se préciser avec les ministères successifs, avec M. Mancini, avec M. de Robilant, avec M. Crispi ? C’eût été évidemment une singulière illusion de croire que le nouveau président du conseil de Rome, M. di Rudini, allait interrompre ou modifier brusquement cette tradition, d’autant que c’est peut-être moins une affaire de politique ministérielle qu’une affaire de politique dynastique. M. di Rudini signera vraisemblablement la prorogation des traités s’il ne l’a déjà signée. Tout se réduit à savoir dans quelle mesure l’alliance sera renouvelée, si elle aura été atténuée dans quelques-unes des obligations qu’elle imposait à l’Italie ou même si elle ne s’étendra pas et ne prendra pas une forme nouvelle. En d’autres termes, il s’agirait de savoir si la triple alliance de l’Europe centrale ne serait pas devenue par hasard, chemin faisant, la quadruple alliance par l’accession directe ou indirecte de l’Angleterre, tout au moins par des arrangemens particuliers du cabinet anglais avec l’Italie. C’est là précisément la question qu’on cherche à éclaircir depuis quelques jours et qu’on n’éclaircit guère même en faisant intervenir des révélations posthumes du prince Napoléon qui aurait reçu, dit-on, des confidences du roi Humbert lui-même ; c’est le point qui reste obscur. Le marquis di Rudini a réussi sans peine à éluder tout dernièrement une interpellation en ajournant les interpellateurs après le budget. Le ministère anglais, de son côté, ne paraît pas pressé de s’expliquer sur la nature et la forme de ses engagemens avec l’Italie. Vainement dans la chambre des communes, M. Labouchère l’a pressé récemment de ses questions : le sous-secrétaire d’état au foreign office, sir James Fergusson, a lestement renvoyé l’indiscret interpellateur à des explications qu’il a données il y a deux ou trois ans et qui n’expliquaient rien. Une seconde fois, sir James Fergusson a paru ajouter quelques détails de plus, il n’a pas plus que la première fois éclairci le mystère et précisé la politique de l’Angleterre, Le chef du cabinet lui-même, lord Salisbury, a gardé le silence le plus diplomatique sur ses relations avec la triple alliance, avec l’Italie comme avec l’Allemagne, comme avec la Belgique. Il reste