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avec les préfets et faisait préparer la campagne en faveur du candidat officiel. Les six ministres s’adressèrent alors à M. Balmaceda pour lui demander une plus grande liberté d’action et l’autorisation de révoquer quelques préfets ostensiblement partisans de M. Sanfuentes. Sur la réponse négative du président et ne voulant pas prêter la main à une politique à laquelle ils étaient chargés de mettre fin, les ministres se retirèrent le 15 octobre 1890. La loi de finances votée, M. Balmaceda n’avait plus besoin, en effet, d’un ministère parlementaire et, sans le moindre scrupule, il rappela ses anciens amis. Le premier acte de ce nouveau ministère fut la clôture de la session extraordinaire commencée quinze jours auparavant sur la convocation faite par le président de la république sous le ministère précédent. De cette façon on coupait court aux interpellations et aux votes de blâme.

La commission conservatrice, qu’en français il conviendrait mieux d’appeler commission nationale, est une institution reconnue par la constitution chilienne. Elle consiste dans une délégation de sept membres de chaque chambre, dont les attributions principales sont de veiller pendant la prorogation du parlement à l’observation de la constitution et des lois, et d’adresser au chef de l’État les communications afférentes à ses fonctions. En outre, elle peut demander au président de convoquer les chambres en cas de circonstances exceptionnelles. C’est en faisant usage de ce droit que cette commission a joué un rôle considérable dans les événemens dont nous faisons le récit. Aussitôt les chambres congédiées, la commission nationale se réunit et après un débat qui restera célèbre dans l’histoire parlementaire du Chili, elle adressa au président une note lui demandant une convocation immédiate du parlement comme une mesure absolument nécessaire et urgente, la loi annuelle du budget des dépenses et celle qui autorise la permanence de l’armée et de la marine n’ayant pas encore été discutées. M. Balmaceda s’y refusa, et la commission continua en conséquence à se réunir trois fois par semaine. L’élite des deux chambres y étant représentée, la conduite du gouvernement y était le sujet des plus brillans débats. La grande salle du sénat devenait trop étroite pour contenir les assistans, et une foule nombreuse restait aux abords du palais législatif afin d’acclamer les représentans du pays à la sortie des séances. Cette commission fut ainsi le foyer de l’opinion et des protestations contre la conduite de M. Balmaceda. Dans la presse indépendante et dans les meetings, on donnait la dictature comme un fait accompli, tandis que les journaux gouvernementaux soutenaient que l’exécutif pouvait légitimement se passer des lois réclamées.

Enfin, le 1er janvier 1891, date d’expiration du budget des dépenses,