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celle des projets. Les solutions ne sont pas toujours simples, elles peuvent être diverses suivant le cours que prendront les choses. Il est même bon d’en préparer plusieurs afin de ne pas se laisser surprendre par des reviremens inattendus.

A travers des hésitations et des tâtonnemens de conduite, il y a cependant un point de doctrine sur lequel Mirabeau ne varie jamais. S’il reconnaît les vices de la constitution votée par l’Assemblée, s’il lui reproche notamment d’avoir désarmé et annulé le pouvoir central, il déclare en toutes circonstances qu’on ne pourra plus toucher aux bases mêmes de cette constitution, que l’œuvre de 1789 est indestructible, qu’il y a là des conquêtes et des progrès que la royauté doit accepter sans arrière-pensée, comme la conséquence définitive de la Révolution. Jamais la nation ne retournera en arrière, jamais elle ne rétablira la distinction des ordres et les droits féodaux.

Eût-on le moyen de conquérir le royaume à main armée, il serait impossible de ressusciter l’ancien ordre de choses. Le vainqueur serait obligé de composer avec l’opinion publique et de se résigner aux destructions accomplies. Le roi ne pourra recouvrer l’autorité dont il a besoin qu’à la condition de n’être jamais soupçonné de contre-révolution.

Mais, ce point accordé, comment, par quels moyens rendra-t-on quelque force et quelque indépendance au pouvoir central? Comment remédiera-t-on aux conséquences désastreuses des mesures prises par l’assemblée, à la désorganisation et à l’anarchie qui ruinent le royaume? C’est la question capitale du moment, c’est surtout pour la résoudre que la cour demande des conseils et un appui. Mirabeau pourrait répondre qu’il est bien tard, qu’on a laissé se commettre et s’aggraver le mal, qu’il a lui-même proposé un plan dès 1788, qu’il n’a cessé depuis lors de renouveler ses offres et qu’on n’a jamais consenti à l’écouter. Mais il est fier de la confiance tardive qu’on lui témoigne, enchanté des subsides qu’il reçoit, et se garde bien de récriminer. Il cherche de bonne loi, tout au moins au début, loyalement et courageusement, la solution. Plusieurs partis sont à prendre; il les examinera ou les proposera successivement.


VII.

Le premier moyen d’action qui permettrait peut-être de reconstituer dans l’assemblée une majorité forte serait de s’entendre avec La Fayette. Le roi et la reine désiraient un rapprochement entre les deux hommes les plus populaires du royaume. Il leur