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que la vue peut s’étendre. Au premier plan, au pied du rocher qui porte le couvent, une vaste région nue et solitaire. Derrière soi, sur l’autre versant de la montagne, un enchevêtrement de vallons et de replis pittoresques, superbement vêtus d’un bois de vieux hêtres. Une lumière exquise, à la fois étincelante et douce, anime le paysage de ses jeux. Il suffit de regarder autour de soi pour s’expliquer la prédilection de saint François pour l’Alverne. On y vit en communion perpétuelle avec l’éternelle Beauté.

C’est après un séjour dans ce lieu unique qu’il improvisa le Cantique des créatures nommé vulgairement Cantique du soleil, l’un des plus beaux chants qu’ait jamais inspirés à l’homme la splendeur de l’Univers :

« —... Loué soit Dieu, mon Seigneur, à cause de toutes les créatures, et singulièrement pour notre frère messire le soleil, qui nous donne le jour et la lumière ! Il est beau et rayonnant d’une grande splendeur, et il rend témoignage de vous, ô mon Dieu!

« Loué soyez-vous, mon Seigneur, pour notre sœur la lune et pour les étoiles ! Vous les avez formées dans les cieux, claires et belles.

« Loué soyez-vous, mon Seigneur, pour mon frère le vent, pour l’air et le nuage, et la sérénité et tous les temps, quels qu’ils soient! car c’est par eux que vous soutenez toutes les créatures!

« Loué soyez-vous, mon Seigneur, pour notre sœur l’eau, qui est très utile, humble, précieuse et chaste!

« Loué soyez-vous, mon Seigneur, pour notre frère le feu ! Par lui vous illuminez la nuit ; il est beau et agréable à voir, indomptable et fort !

« Loué soit mon Seigneur pour notre mère la terre, qui nous soutient, nous nourrit et qui produit toute sorte de fruits, les fleurs diaprées et les herbes[1] !.. »

C’est sur l’Alverne qu’il se retira aux approches de la mort, « pour vaquer à Dieu dans le secret de la solitude et secouer la poussière qui avait pu s’attacher à lui dans le commerce des hommes[2]. » Et c’est là, durant ce dernier séjour de 1224, que les écrivains catholiques placent le miracle fameux des stigmates, qu’on a appelé « le grand miracle du moyen âge, » et qui mérite en effet ce nom, tant par l’émotion qu’il souleva dans l’univers chrétien que par les controverses auxquelles il donna lieu dans le XIIIe siècle. Une portion du clergé refusait de l’accepter et ne céda qu’aux ordres réitérés des papes Grégoire IX et Alexandre IV. Aujourd’hui,

  1. Traduction d’Ozanam.
  2. Celano.