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plus facile et plus faible, n’a pas encore le degré de consistance que l’on voudrait : il est disparate et un peu décousu. Mais pour celui de M. Prévost, qui est sans doute le plus « coulant », il est aussi, comme ce mot même l’indique, de beaucoup le moins personnel…

J’insisterais, s’il s’agissait ici de parler de M. Prévost, de M. Paul Margueritte, et de M. J.-H. Rosny, mais je n’ai voulu que montrer dans la Confession d’un amant, la Force des choses et Daniel Valgraive les tendances du roman de demain, et je répète que quand « l’enquête » n’aurait eu d’autre utilité que de signaler ces trois livres et ces trois noms à l’attention publique, elle n’aurait pas été tout à fait vaine.

C’est par où je terminerais, si je n’avais un dernier mot à dire de l’intérêt de ce genre de discussions, qu’on traite en vérité trop volontiers de byzantines.

Il ne faut pas assurément s’exagérer l’importance des discussions littéraires, mais il ne faut pas non plus la diminuer, et on aurait grand tort de croire qu’il n’y en ait pas de plus vitales, mais on se tromperait également de les trop dédaigner. Est-il bien vrai, d’ailleurs, que le public y soit indifférent ? Oui et non. Oui, si l’on ne sait pas s’y prendre, et qu’on les rabaisse à des discussions de personnes ou de boutique. Mais non, si l’on peut lui montrer l’intérêt très réel qu’il a dans ces sortes de questions, et que cet intérêt même est moral ou social autant que littéraire. Tant pis alors pour ceux qui ne le comprennent pas ! Fussent-ils d’ailleurs plus nombreux encore, il y a toujours un point qu’il faudrait maintenir. C’est qu’on doit faire ce que l’on fait, le faire de son mieux, s’y mettre tout entier, sans se soucier des mauvais plaisans ; et que, sous ce rapport, pas plus qu’il n’est permis à un militaire de taxer d’oiseuses les questions de tactique et de stratégie, ou à un homme d’état les questions de politique et d’économie, il ne l’est à un homme de lettres de se piquer d’être supérieur aux questions d’art et de littérature.


F. BRUNETIERE.