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liaison entre les différentes parties et les différens acteurs : si on peut l’admettre, par exception, pour la mise en saillie d’une figure unique, on saurait difficilement l’accepter pour une réunion de figures. L’œuvre de M. Geoffroy reste très intéressante parce que tous ses types sont étudiés avec conscience et peints avec conviction, mais nous le verrions avec peine s’engager dans cette voie fausse et périlleuse. Comment se fait-il que M. Geoffroy, qui vit avec les enfans, et qui les aime tant, incline si fort aux tons noirs et tristes ? S’il a beaucoup de gamins pâlots et de souffreteux, il y en a plus encore, même à Paris, même dans les quartiers populeux, de vifs et de roses. C’est là, du reste, une question qu’on pourrait poser à plusieurs des peintres ordinaires de l’enfance aux Champs-Elysées et que je ne me charge pas de résoudre. Les gamins et gamines de MM. Lobrichon et Truphème sont plus gais et plus vifs; mais combien ils manquent encore de fraîcheur!

C’est par la combinaison et la disposition significative des clairs et demi-clairs, des ombres et des pénombres et non par leurs antithèses violentes, que d’autres, avec plus de souplesse, savent mettre en scène leurs drames intimes. Grâce à cet emploi judicieux du blanc et du noir, joint, dans les sujets lugubres, à une sympathie sincère pour les souffrances humaines, et une juste observation de leurs manifestations extérieures, M. Marec a su nous intéresser à sa Veuve, M. Le Mains à ses Deux vieux amis, un matelot malade et un goéland apprivoisé, M. Jameson à son Viatique porté dans une rue de village, M. Roeseler à sa Fille de l’aubergiste étendue dans son cercueil. Il y a des parties sombres dans leurs toiles et aussi des parties claires, mais le tout y est gradué de façon à mettre en valeur l’expression des gens et l’importance des choses, et c’est là ce qu’on peut appeler vraiment la composition pittoresque. À ce point de vue, la toile de M. Bordes, le Laminoir, montrant des ouvriers, de grandeur naturelle, vus de dos, le torse nu, éclairés, du fond, par les éclats d’un fourneau incandescent, est disposée avec habileté et le premier aspect en est excellent. Il est seulement regrettable qu’ayant à développer, sur les premiers plans, des torses robustes de forgerons au travail, qui y prennent, par l’étrangeté de l’éclairage, une notable valeur, l’artiste ne les ait pas modelés avec la fermeté qu’on devait attendre. Son œuvre y eût gagné pour la vraisemblance et pour l’effet définitif. Telle est l’influence des idées à la mode qu’elles amollissent les plus résolus. M. Bordes, dont on a vu des morceaux très fermes, a peut-être redouté de joindre la solidité des formes à la souplesse de l’éclairage, par simple condescendance pour les goûts actuels. Dans des dimensions plus modestes et dans un ordre d’idées plus familier, nous trouvons encore un bon emploi des reflets et des ombres dans