Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/647

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À Moscou, nous trouvons la cathédrale du Saint-Sauveur, le Musée national historique et le Polytechnicum, du style russe le plus pur ; à Vienne, l’hôtel de ville, l’Église votive, dans le gothique allemand classique, et vingt hôtels d’un rococo des plus germaniques. En Allemagne, toute la nouvelle ville de Cologne, qui fait penser à une cité d’Albert Durer ; à Bruxelles, les boulevards du Midi, du Nord et Anspach, où refleurit avec éclat la renaissance flamande ; à Anvers, le Palais de justice, la Banque nationale et vingt hôtels du même style ; à Amsterdam, le Musée national et la Gare centrale, œuvres dignes des maîtres hollandais des XVe et XVIe siècles ; à Londres, le Parlement, le Palais de justice, l’Institut technique, les gares Saint-Pancrace et Charing-Cross, l’Albert-Memorial et cent hôtels du style Tudor. Remarquons encore que la décoration intérieure des monumens et des hôtels a subi le même entraînement.

On a vu combien était grand à l’étranger, combien était constant le développement, par les écoles, les associations et les musées, des industries nationales, leur besoin d’émancipation vis-à-vis de nous. Il ne nous reste plus que quelques remarques générales à faire et qui ne sont pas sans importance. En Italie, à la réorganisation armée a succédé la réorganisation artistique, industrielle, que la nation entière, très patriotiquement, poursuit avec énergie et constance. En Autriche, l’expansion du commerce en Orient est l’objectif politique du royaume. En Hongrie, le mouvement industriel et artistique forme le corollaire du mouvement politique qui a conduit à un dualisme avec la nation sœur. Quant à la Suisse, cette petite terre, sans colonies ni marine, obligée de l’étranger qu’elle exploite, la Suisse, disons-nous, arrive à lutter et avec un grand succès contre les grandes nations productives au milieu desquelles elle se trouve enclavée. En Russie, où, pendant de longs siècles, nos arts ont dominé avec éclat, où notre influence fut jadis si active, nos œuvres et nos produits trouvent aujourd’hui aux frontières des droits douaniers qui les repoussent. Le fondateur du musée de Moscou disait un jour de cette institution, — et, dans sa pensée, il y joignait les écoles : « On attend de ses travaux un effet moral et une influence religieuse ; ils doivent aider aussi à poursuivre le développement historique de la nation. »

Et en Allemagne ? La guerre de 1870 a eu pour conséquence forcée, que des milliers de Bavarois, de Prussiens, de Saxons établis dans nos grandes villes, où ils travaillaient à côté de nos ouvriers, ont transporté chez eux quelques étincelles du feu artistique qui nous anime. L’Europe, les pays d’outre-mer, un instant séduits par le bon marché des articles allemands qui n’étaient