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Les musées et écoles d’art de l’Allemagne ont été fondés par deux associations qui, à défaut de fonds considérables, ont mis en œuvre une foi inaltérable et un ardent patriotisme. Ce sont les Kunstvereine et les Gewerbevereine — C’est ainsi qu’on les nomme ; — ils ont fait l’Allemagne industrielle et artistique actuelle. En Suisse, en Belgique et en Hollande, il en est de même. Une société, la Néerlandaise, s’est donné pour mission de restaurer les anciennes industries nationales disparues. N’est-ce pas là un noble but ? À Prague, tout le mouvement d’enseignement artistique et industriel a été provoqué par une seule association, la Société pour l’encouragement de l’industrie en Bohème.

En Russie, les sociétés qui ont pour but le développement de l’industrie technique et artistique sont innombrables. On peut les diviser en trois sections bien distinctes : l’une, fondant et gérant des écoles, des cours et des musées ; l’autre, fournissant à ces établissemens des ressources matérielles ; et enfin, la troisième, qui ne s’occupe que d’étude et de propagande. L’une de ces sociétés, celle pour l’amélioration du travail national, a été fondée en mémoire du tsar libérateur des serfs, Alexandre II.

On le voit, c’est le principe de l’association qui a été, en Europe, le levier puissant du mouvement que nous avons signalé au début de cette étude ; son action ne s’est pas bornée à la création d’écoles et de musées, il a servi de trait d’union entre l’ouvrier et le patron dans beaucoup de pays.

Et maintenant, quelle direction prend ce mouvement de renaissance artistique qui se manifeste en dehors de nos frontières ? C’est celui d’un retour vers le passé. Chaque pays d’Europe paraît vouloir revenir à ses traditions, et chaque nation, pour y parvenir, fouille dans ses trésors les plus anciens et les plus cachés. On veut sortir d’une uniformité ennuyeuse et platement collective. Ce n’est plus la fusion prédite par les philosophes et les économistes, fusion vers laquelle devaient nous pousser fatalement les voies ferrées et la navigation à vapeur ; non, c’est le particularisme qui triomphe, le nationalisme le plus vivace se manifestant par l’art. Au grand contentement de ceux qui aiment le pittoresque, il semble que chaque pays ne puisse plus lutter que par le caractère spécial de ses productions, par un art indigène, par une industrie d’une originalité particulière.

C’est l’architecture qui a donné le branle, — elle en est un peu coutumière, — et, comme expression synthétique de cette évolution, il n’y a qu’à parcourir l’exposé suivant des monumens typiques élevés pendant ces dernières années dans quelques villes.