Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/582

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

infinie, disparaissant chaque soir, ils ne savent pour descendre où, revenant chaque matin, ils ne savent pas d’où.

Depuis si longtemps en contact quotidien avec le peuple balinais, le vieux savant a appris à l’aimer passionnément. Aussi, donner des renseignemens sur ce peuple, sur ses coutumes, sur sa religion, est absolument de sa compétence. Il est le seul Européen qui en ait poussé l’étude à fond, et son concours est devenu indispensable au gouvernement hollandais, de qui il touche annuellement 20,000 francs en qualité d’interprète officiel.

M. van der Tùck veut bien nous proposer de nous faire visiter quelques temples de Boeleleng, et auparavant une maison indigène dont il est un ami. Il pose sur sa tête une coiffure-parasol, en forme de cône très évasé, prend un bâton et tel qu’il est, en sarrong, pieds nus, nous fait la conduite... Tous les natifs que nous rencontrons sourient à notre guide et lui adressent en passant quelques paroles, car il est connu et aimé dans le pays, et on le salue familièrement. Nous sortons de la ville. A nos pieds s’ouvrent des gorges profondes, au fond desquelles bruit une rivière, et qui sont verdoyantes de fougères arborescentes. Nous gravissons, sous bois, par lentes enjambées, un lit asséché de torrent, chemin impraticable qui aboutit à une maison indigène : murs bas, sans fenêtres, sous un toit de chaume. Le savant y vient régulièrement, tous les matins. Avec des visages réjouis, l’on s’empresse de nous faire entrer. La porte, laissée ouverte, éclaire l’intérieur d’une lumière douce; des nattes d’écorce sont déployées sur le sol, qui est de terre sèche; une table de bois et, comme sièges, des planches posées horizontalement sur des pieds, c’est tout l’ameublement. Vite, des cocos sont perforés et, pendant que nous nous désaltérons en buvant à même aux noix, le chef de la famille, un beau gaillard, aux yeux clairs, à la chevelure noire, dénouée, flottante, questionne longuement à notre sujet. Ils sont là une dizaine, accroupis sur les nattes, des hommes et des enfans, mais tous enfans par une adorable naïveté qui se devine.


De retour dans la ville, nous entrons dans plusieurs temples. De l’un à l’autre tantôt montent, tantôt dévalent des rues en chaussée glissante ou en escalier. Tous les temples procèdent du même principe d’architecture et d’ornementation ; l’intérêt architectural qu’ils présentent tous se concentre sur la porte d’entrée : toujours un monument à façade pentagonale et dans lequel sont enchâssés des battans de bois ouvragé. Le fronton est constamment surmonté d’un bibelot de verre, en forme de mains jointes, qui semble d’importation bouddhique. La façade est presque toujours dépourvue de figures de divinités. Cependant, voici sur une porte un personnage