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Celui-ci comprend le clergé régulier et séculier avec ses recrues prochaines et sa clientèle étroite ; jamais il n’a été si exemplaire et plus fervent; en particulier, l’institution monastique n’a jamais plus spontanément et plus utilement fleuri. Nulle part en Europe il ne se forme plus de missionnaires, tant de frères pour les petites écoles, tant de servantes et serviteurs volontaires des pauvres, des malades, des infirmes et des enfans, tant de vastes communautés de femmes librement vouées pour toute leur vie à l’enseignement et à la charité[1]. À ce peuple français, plus capable qu’un autre d’enthousiasme et d’émulation, de générosité et de discipline, naturellement égalitaire, sociable et prédisposé à la fraternité par le besoin de camaraderie, sobre, de plus, et laborieux, la vie en commun, sous une règle uniforme et stricte, ne répugne pas dans le couvent plus que dans la caserne, ni dans une armée ecclésiastique plus que dans une armée laïque, et la France, toujours gauloise, offre, aujourd’hui comme au temps d’Auguste, une prise facile au système romain. Quand ce système a pris une âme, il la tient, et la croyance qu’il lui impose devient l’hôte principal, le souverain occupant de l’intelligence. Sur ce territoire occupé, la foi ne laisse plus contester son titre ; elle condamne le doute comme un péché, elle interdit l’examen comme une tentation, elle présente comme un danger mortel le danger de ne plus croire, elle enrôle la conscience à son service contre les révoltes possibles de la raison. En même temps qu’elle se prémunit contre les attaques, elle consolide sa possession; à cet effet, les rites qu’elle prescrit sont efficaces, et l’on a vu leur efficacité, leur multiplicité, leur convergence, confession et communion, retraites, exercices spirituels, abstinences et pratiques de toute espèce, culte des saints et de la Vierge, des reliques et des images, oraisons du cœur et des lèvres, assiduité aux offices, observation exacte d’une règle quotidienne. — Par ses dernières acquisitions et par son tour contemporain, la foi catholique s’enfonce encore plus avant, et pénètre à fond, jusqu’au fond le plus intime et le plus sensible, les âmes triées qu’elle a préservées des influences étrangères ; car elle apporte à ce troupeau choisi l’aliment dont il a le plus besoin et qu’il aime le mieux. Au-dessous de la Trinité métaphysique, abstraite, et dont deux personnes, sur trois, ne peuvent être saisies par l’imagination, elle a mis une Trinité historique

  1. Th.-W. Ailles, recteur de Launton, Journal d’un voyage en France, p. 245. (Paroles du P. de Ravignan, 3 août 1848.) « Quelle nation dans l’Église romaine se distingue le plus aujourd’hui par les travaux de ses missionnaires? La France de beaucoup. Il y a dix missionnaires français contre un italien. » — Plusieurs congrégations françaises, notamment les Petites Sœurs des Pauvres et les Frères des écoles chrétiennes, sont si zélées et si nombreuses qu’elles débordent hors de France, et ont beaucoup de maisons à l’étranger.