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d’interroger pour sonder l’âme à fond. Si quelques âmes sont timorées, elles se livrent à lui spontanément et encore davantage, elles ont recours à lui hors de son tribunal : il leur prescrit la voie particulière où elles doivent marcher, il les guide dans tous les détours ; son ingérence est quotidienne, il devient un directeur, comme on disait au XVIIe siècle, le directeur en titre et permanent d’une ou plusieurs vies. Encore aujourd’hui, c’est le cas pour beaucoup de fidèles, notamment pour les femmes et pour toutes les religieuses ; l’idée centrale autour de laquelle tournent toutes les idées romaines, la conception de l’imperium et du gouvernement, a trouvé son accomplissement parfait et atteint son extrémité finale. — De ces gouvernans spirituels, il y en a maintenant 180,000 environ, installés dans les cinq parties du monde, chacun préposé à la conduite d’environ 1,000 âmes et gardien spécial d’un troupeau distinct, tous ordonnés par des évêques, lesquels sont tous institués par le pape, celui-ci monarque absolu, et déclaré tel par le dernier concile. Par degrés, dans la Rome nouvelle comme dans la Rome ancienne, l’autorité s’est concentrée jusqu’à se rassembler et se déposer tout entière aux mains d’un seul homme. A Romulus, le pâtre albain, avait succédé le César auguste, Constantin ou Théodose, dont le titre officiel était « votre éternité, » « votre divinité, » et qui appelaient leurs décrets « des oracles immuables. » A Pierre, le pêcheur de Galilée, ont succédé les souverains pontifes infaillibles, dont le titre officiel est « votre sainteté, » et dont les décrets sont pour tout catholique « des oracles immuables, » en fait aussi bien qu’en droit, non par hyperbole, mais avec toute la plénitude du sens exprimé par l’exactitude des mots. Ainsi l’institution impériale s’est reformée ; elle n’a fait que se transporter d’un domaine dans un autre ; seulement, en passant de l’ordre temporel à l’ordre spirituel, elle est devenue plus solide et plus forte ; car elle a paré aux deux défauts qui affaiblissaient son modèle antique. — D’une part, elle a pourvu à la transmission du pouvoir suprême ; dans la vieille Rome, on n’avait pas su la régler ; de là, en cas de vacance, tant de compétitions violentes, et tous les conflits, toutes les brutalités, toutes les usurpations de la force, toutes les calamités de l’anarchie. Dans la Rome catholique, l’élection du souverain pontife appartient définitivement à un collège de prélats, qui votent selon des formes établies ; à la majorité des deux tiers, ils nomment le nouveau pape, et, depuis plus de quatre siècles, pas une de ces élections n’a été contestée; de chaque pape défunt à son successeur élu, l’obéissance universelle s’est transférée à l’instant, sans hésitation, et, pendant l’interrègne comme après l’interrègne, aucun schisme ne s’est produit dans l’Eglise. — D’autre part, dans le titre légal du César Auguste, il