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mots, retenons les deux derniers surtout. Très souvent spirituelle, trop souvent même, l’œuvre est presque toujours perverse. Ajoutons qu’elle renferme, au second acte, une scène magistrale, belle d’émotion, d’ampleur et de vérité, et nous aurons tout dit. En gros du moins, et maintenant, tâchons de le redire un peu par le menu, car nous sommes ici encore devant une comédie, on ne saurait le contester, qui fait penser à beaucoup de choses : les unes, la plupart même, égrillardes ; les autres, immorales ou douloureuses.

Beaucoup d’esprit, de polissonnerie et d’immoralité. Voilà, sous une forme très littéraire, le fond d’Amoureuse. Polissonne, cette pièce l’est dans le premier acte tout entier ; çà et là, dans les autres, à un degré que ne dépassent pas les plus libres récits de la Vie parisienne. La petite Germaine Fériaud a l’air de tenir le mariage, selon la formule connue, pour le seul moyen de faire honnêtement la noce, et le plaisir physique pour la seule joie, le seul but, la raison unique, que dis-je ? l’unique excuse de la vie conjugale. Oui, l’excuse. « Ce n’est pas un crime, dit-elle, d’être légitime, c’est un accident. » Ne sentez-vous pas dans ce seul mot, sinon la honte, au moins une certaine impatience de la légitimité, avec je ne sais quel rêve, quel regret de l’irrégulier et de l’extraordinaire ? La volupté, voilà donc tout ce que Germaine espérait du mariage, tout ce que nous l’entendons et la voyons à toute heure exiger d’un mari qui commence à se faire prier, ne se refuse pas encore, mais déjà se marchande, et ce spectacle finit par déplaire. « Il n’y a pas que l’amour au monde, » dit Étienne à sa femme. Il a raison ; ou plutôt, et dans le mariage surtout, il n’y a pas que cette manifestation-là de l’amour. Pour que l’amour soit complet et durable, il faut le respecter, le ménager et l’entourer ; il faut, auprès de cette fleur, qui sera toujours la plus belle, faire fleurir d’autres fleurs ; à la plus parfaite des tendresses humaines, il faut donner des compagnes choisies, sérieuses, au besoin un peu austères, et que les joies de l’esprit et de l’âme, comme des sœurs aînées, veillent toujours en nous sur les autres, ne fût-ce que pour en épurer l’ivresse et en garantir la durée.

Au lieu d’élever ainsi l’amour, Germaine l’abaisse à des friponneries de chatte, et par la qualité non moins que par la quantité elle compromet un bonheur dont elle fait plus qu’abuser : elle en mésuse. Sur ce sujet délicat, un hasard de mémoire nous rappelait l’autre soir d’exquises leçons qui, pour sembler inattendues ici, n’y sont pourtant pas déplacées. C’est d’un saint François de Sales qu’une Germaine Fériaud recevrait les plus sages conseils. Dans l’Introduction à la vie dévote, le délicieux évêque donne aux époux toute licence d’amour, mais d’amour honnête. De cette honnêteté, modération et modestie conjugales, il nous propose, en termes dont la naïveté ferait sourire, un exemple singulier, celui de l’éléphant. Enfin, discourant toujours de l’honnesteté du lict