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La transmission des sensations, et non plus seulement des pensées, se fait, par une véritable télépathie, de M. Pierre Janet à Mme B… Si, dans une autre chambre, M. Pierre Janet boit et mange pendant que Mme B… est endormie, celle-ci croit boire et manger, et on voit sur sa gorge les mouvemens de déglutition. Elle distingue si M. Pierre Janet a mis dans sa bouche du sel, du poivre ou du sucre. Si, dans une autre chambre, M. Pierre Janet se pince fortement le bras, Mme B.., endormie, pousse des cris et s’indigne d’être pincée au bras. En se tenant dans une autre chambre, M. Jules Janet, frère de M. Pierre Janet, et qui avait aussi sur Mme B… une très grande influence, se brûla fortement le bras pendant que Mme B… était en léthargie. Mme B… poussa des cris terribles, et M. Pierre Janet, qui était avec elle, eut de la peine à la maintenir[1].

Il y a souvent, nous l’avons vu, chez les hypnotisés, une hyperacuité des sens qui rappelle la perfection avec laquelle les aveugles distinguent les choses au toucher, ou avec laquelle les sourds-muets lisent la parole sur les lèvres. Selon M. Delbœuf, un sujet, après avoir soupesé une carte blanche prise dans un paquet de cartes semblables, peut ensuite la retrouver dans le

  1. Mme B… tenait son bras droit au-dessus du poignet et se plaignait d’y souffrir beaucoup. Or M. Pierre Janet ne savait pas lui-même exactement où son frère avait voulu se brûler : c’était bien à cette place-là. Quand Mme B… fut éveillée, elle serrait encore son poignet droit et se plaignait d’y souffrir beaucoup « sans savoir pourquoi. » Le lendemain, elle soignait encore son bras avec des compresses d’eau fraîche ; « et le soir, dit M. Pierre Janet, je constatai un gonflement et une rougeur très apparens à l’endroit exact où mon frère s’était brûlé ; mais il faut remarquer qu’elle s’était touché et gratté le bras pendant la journée. » (Ibid., p. 223.)