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l’organisme qui ont leur action propre dans le résultat final. « L’intelligence, dit M. Delbœuf, réagit sur les organes de relation ; le rêve et l’hallucination ne sont, pour ainsi dire, que les phénomènes habituels retournés, où la cause devient effet, où l’effet devient cause. Jusqu’où peut aller ce rôle inverse ? Voilà la question. Dans certains cas exceptionnels et morbides, ne peut-il pas se faire qu’à la sensation éprouvée se joigne la modification organique correspondante ? » — Non-seulement, répondrons-nous à M. Delbœuf, cela peut se faire, mais, selon la théorie des idées-forces, cela doit se faire : la sensation éprouvée est, du côté physique, une modification de l’organe ; si la sensation est douloureuse, c’est une modification organique en un sens opposé au mouvement de la vie ; si la sensation est agréable, c’est une modification organique qui relève la puissance vitale. L’image, l’idée, la sensation du mieux, c’est la réalisation du mieux. Le mental et le physique ne font qu’un dans la réalité concrète ; il n’y a point de mouvement du corps qui n’ait sa contre-partie mentale ; il n’y a point de fait mental qui n’ait son efficacité organique.


V

Nous allons maintenant voir la chaîne indivisiblement physique et psychique se continuer d’un individu à l’autre, les relier ainsi d’un lien à la fois matériel et mental. Il y a des faits étranges de communication entre les cerveaux et, par cela même, de communication entre les consciences.

Entre l’hypnotiseur et l’hypnotisé s’établit une sympathie particulière qu’on appelle le rapport magnétique. Ce rapport consiste dans l’impression permanente laissée par les relations que l’hypnotisme a établies entre les deux personnes. Le cerveau de l’hypnotisé reconnaît l’action de l’hypnotiseur à des signes subtils, qui échappent à tout autre et dont il ne saurait lui-même rendre compte. Ce sujet est souvent aveugle ou sourd à la présence et à la voix de tout autre que l’hypnotiseur ; il ne voit et n’entend que ceux qui sont mis par ce dernier en rapport avec lui. Un sujet très sensible suivra l’hypnotiseur tout autour de la chambre ou dans la maison ; il pourra même, assis dans un fauteuil, suivre avec la tête, comme une aiguille aimantée, la marche de l’hypnotiseur autour de la maison. Il montrera en son absence un malaise particulier. Au milieu d’un vacarme de voix, il distinguera le chuchotement de l’hypnotiseur, imperceptible pour toute autre oreille. Il est clair, cependant, que ce chuchotement produit son effet dans