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produite par la vue d’un mouvement, au lieu de se dépenser en un simple mouvement imitatif, peut se dépenser aussi en autres idées associées, qui, elles-mêmes, entraînent les mouvemens associés. Joignez les mains de la cataleptique, cette sensation des mains jointes entraînera l’idée de la prière avec l’attitude correspondante, puis l’idée de la communion avec l’attitude correspondante, etc. L’association des idées ou des actes a pour base, selon nous, l’association plus profonde des sentimens ou des impulsions ; celle-ci, à son tour, a pour cause un état général de la conscience, une direction générale de la volonté. Celle-ci enfin, une fois produite, tend à persister et à s’exprimer au dehors. L’ensemble d’images et de mouvemens constituant l’état général de la volonté dans la dévotion est donc suscité par la sensation des mains jointes, et, une fois produit, il devient le mobile de toute une scène où les attitudes diverses de la dévotion se succèdent et s’enchaînent. Là encore le physique et le mental sont inséparables : ce sont deux rapports différens d’une même série de faits.


En vertu de la théorie des idées-forces, de même qu’il n’y a jamais sensation, idée, hallucination sans un mouvement correspondant, de même il n’y a jamais abolition d’une sensation ou d’une idée, jamais d’ « anesthésie » ou d’ « amnésie, » sans une suppression ou une modification de mouvemens correspondans, par conséquent sans une paralysie : si j’ai oublié le nom ou la place d’un objet, je ne puis pas prononcer ce nom, ni faire le mouvement pour prendre l’objet à sa place. C’est ce que M. Pierre Janet a fort bien montré. Une hystérique qui perd complètement le souvenir de toute espèce d’images verbales, ou qui perd toute sensibilité d’un membre, ne peut plus parler ou ne peut plus remuer ce membre. « Ici encore le côté extérieur et visible de l’activité humaine n’est que l’ombre de son activité intérieure et psychologique[1]. »

La paralysie nerveuse est, du côté mental, une perte de souvenir, une amnésie ; dans la réalité des choses, que considère le philosophe, le mouvement des membres étant déterminé par la succession de certaines images conscientes, il suffit, pour perdre le mouvement, d’oublier ces images « motrices. » — « En réalité, ces deux choses, l’oubli et la paralysie, ne sont qu’un seul et même phénomène considéré de deux côtés différens, comme l’image et le mouvement[2]. » En d’autres termes, à toute suppression d’idée répond

  1. L’Automatisme psychologique, p. 364.
  2. Ibid., p. 362.