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appartient à l’écorce cérébrale : c’est comme si on avait amputé ou paralysé les centres directeurs ; on a alors l’inhibition du pouvoir normal d’inhibition. Les images actuelles ne rencontrent donc plus d’antagonisme : elles deviennent les seuls moteurs de la machine cérébrale. C’est, dans sa plénitude, la réalisation du règne des idées-forces.

Le phénomène de la catalepsie est celui qui manifeste le mieux cet état d’absorption dans une idée, et dans l’acte correspondant qu’on nomme le monoïdéisme. Alors éclatent les deux lois fondamentales des idées-forces, qui sont que toute idée exclusive et isolée entraîne toujours : 1° le mouvement où elle se traduit ; 2° la croyance à la réalité de son objet. On sait que Condillac supposait une statue en qui on introduirait une sensation et seulement une sensation ; eh bien, dit avec raison M. Pierre Janet, Condillac n’a point deviné le phénomène principal que cette sensation allait produire : il n’a pas dit qu’à chaque sensation nouvelle la statue allait se remuer. « La plus simple expérience nous montre tout de suite ce phénomène important. Que, dans une conscience vide, survienne une sensation quelconque produite par un procédé quelconque, et aussitôt il y aura un mouvement. » Telle est la loi que manifestent les phénomènes les plus simples de la catalepsie. Soulevez le bras d’un cataleptique, il conserve son attitude ; mettez-le en mouvement, il continue ce mouvement. Les forces physiques de la pesanteur tendraient à faire tomber le bras soulevé ; il faut donc une contraction persistante des muscles pour maintenir le bras. Qu’est-ce qui peut donner à ces contractions leur unité et leur persistance ? M. Pierre Janet ne voit d’autre réponse que la suivante : — C’est une sensation persistante. « Ainsi, ajoute-t-il, se vérifie par l’expérimentation une des idées les plus fécondes d’un de nos philosophes, qui a dit (dans la Liberté et le Déterminisme) : — « Toute idée est une image, une représentation intérieure de l’acte ; or, la représentation d’un acte, c’est-à-dire d’un ensemble de mouvemens, en est le premier moment, le début, et est ainsi elle-même l’action commencée, le mouvement à la fois naissant et réprimé. L’idée d’une action possible est donc une tendance réelle, c’est-à-dire une puissance déjà agissante et non une possibilité purement abstraite. »

Toutefois, nous ne saurions admettre entièrement l’explication que M. Pierre Janet donne des phénomènes cataleptiques et hypnotiques. En premier lieu, nous ne croyons pas que la conscience de la personne cataleptique puisse être proprement déclarée « vide, » analogue à la statue de Condillac : ce vide prétendu est une plénitude, un ensemble de tendances vitales et d’impulsions