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l’idée du réveil agit par les sensations renaissantes et impulsions renaissantes qu’elle enveloppe, et auxquelles répondent, du côté physique, des mouvemens en tel sens déterminé.

Le sommeil provoqué, à en croire M. Bernheim, ne dépendrait pas de l’hypnotiseur, mais du sujet : « C’est sa propre foi qui l’endort. Nul ne peut être hypnotisé contre son gré, s’il résiste à l’injonction. » Il y a là une exagération. M. Ochorowicz déclare avoir plusieurs fois endormi « des personnes qui ont résisté de toute leur énergie. » C’est que l’influence de l’idée-force subsiste encore là où le consentement de la volonté manque. L’idée d’un sommeil extraordinaire, dû au pouvoir merveilleux d’un magnétiseur, produit son effet de vertige sur celui même qui y résiste. Il y a un manque de confiance en soi, un doute qui subsiste, puis une soumission inconsciente, ou du moins involontaire, et M. Ochorowicz a raison de dire : « Dès qu’un sujet est sensible et que vous lui suggérez l’idée du sommeil, cette idée peut réaliser le sommeil malgré son opposition[1]. » C’est une sorte de fascination qui fait qu’une idée à laquelle on ne consent pas s’impose quand même et se traduit au dehors.

Quelque influence que nous venions d’attribuer aux idées et, par conséquent, à la suggestion dans l’hypnotisme, nous n’allons pourtant pas jusqu’à nier, comme le fait l’école de Nancy, ce qu’il y a d’original dans la condition physiologique de l’hypnotisé. Il se produit alors un changement dans l’équilibre nerveux qu’on ne saurait expliquer par la simple suggestion psychologique et qui, au contraire, devient la condition préalable de cette suggestion. De même, dans le sommeil ordinaire, quelque rôle que jouent les idées, il est clair que leur forme hallucinatoire et leur combinaison en rêves présupposent un certain état physiologique, qui est le sommeil même. Nous pensons donc que la théorie de la suggestion explique les phénomènes psychiques de l’hypnotisme, une fois donné l’état hypnotique lui-même ou la prédisposition hypnotique, qui, quoi qu’en dise l’école de Nancy, implique un état anormal et un manque d’équilibre nerveux. Pour qu’une idée soit rendue si aisément impulsive, pour qu’elle soit si aisément isolée et grossie, il faut que la santé mentale soit facile à troubler.


III

Des causes de l’hypnotisme, passons à ses effets. Nous avons vu que le sommeil provoqué arrête la faculté même d’arrêt qui

  1. De la suggestion morale, p. 258.