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naphte, on le sait, se vaporise et se condense ensuite deux fois plus vite que l’eau ; la chaudière à naphte peut donc, pour produire une certaine force, être deux fois plus petite que la chaudière à eau, de rendement égal. En quelques minutes, la chaudière est sous pression, la flamme est réglée d’avance et une fois pour toutes ; la quantité de naphte consommé est très minime, puisque le petit bateau que j’ai vu pouvait en emporter pour vingt-quatre heures. Du réservoir, placé à l’avant, le naphte se rend à la chaudière par un tuyau de cuivre placé au-dessous du bateau, et la vapeur, après avoir agi sur les pistons, se condense dans des tuyaux placés hors du bateau, le long de chaque côté, au-dessous de la ligne de flottaison, pour retourner ensuite dans le réservoir. Les passagers ne sont donc incommodés ni par la suie, ni par la vapeur, ni par la fumée. Un cordon, faisant le tour des fargues, permet de gouverner le bateau à volonté.

Nous sommes loin, dans les lignes qui précèdent, d’avoir tout dit sur le présent et l’avenir du pétrole ; mais nous croyons en avoir donné une idée suffisante, et, si nous avons pu convaincre le lecteur, comme nous sommes nous-même convaincu, de l’extrême importance d’une industrie née d’hier et déjà florissante au-delà de toute espérance, nous ne regretterons ni les chiffres, dont nous avons peut-être abusé, ni les descriptions, que nous aurions pu multiplier encore.


IV

Nous avons tâché de donner une idée aussi exacte que possible des procédés d’exploitation actuellement en usage dans la péninsule d’Apchéron ; mais comme ces perfectionnemens ne datent que d’hier, nous nous proposons d’étudier ici l’histoire du développement de l’industrie pétrolifère, des régimes qui en ont arrêté ou favorisé les progrès, des victoires successives et presque ininterrompues remportées par d’intelligens industriels sur la routine, sur la concurrence américaine, enfin sur la nature même et les obstacles qu’opposait la disposition des lieux à toute expansion importante du commerce ou de l’industrie transcaucasienne. Au commencement, vers le milieu de notre siècle, l’industrie du pétrole n’avait aucune importance, et cela pour toutes sortes de raisons : d’abord, le gouvernement paralysait tout effort industriel par l’établissement d’un monopole, les procédés d’exploitation étaient tout à fait rudimentaires ; enfin, les moyens de transport n’existaient pas, car les caravanes de Bakou à Vladikavkaz n’exportaient que de très petites quantités. Le pétrole était donc rare, mal préparé et très cher ; ajoutons que le pétrole de Pensylvanie,