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Telle est la première phase de la distillation ; la seconde, pour laquelle toutes les distilleries ne sont pas outillées, consiste à traiter le masude et à en extraire d’autres huiles plus lourdes, dites « de lubrification, » sur lesquelles nous aurons à revenir.

C’est la kérosine qui est l’huile d’éclairage ; la proportion au Caucase n’en est que de 27 pour 100 dans le naphte brut, tandis qu’elle atteint, aux États-Unis, près de 70 : la supériorité du naphte américain serait donc considérable si les puits de l’Apchéron n’étaient plus féconds et surtout si le pouvoir éclairant de la kérosine russe n’était de 10 ou 15 pour 100 supérieur à celui de la meilleure kérosine américaine (Redwood et H. Sainte-Claire Deville). La lumière du pétrole russe est aussi plus égale. On explique ces différences par la présence, dans ce dernier, d’une certaine quantité d’hydrocarbures de la série éthylénique, plus riches en carbone que les hydrocarbures du pétrole américain[1] (hydrocarbures de la série forménique). De nombreuses analyses, faites avec le plus grand soin par le professeur Guelishambarof, ont permis de constituer le tableau suivant :


Poids spécifique Carbone Hydrogène Oxygène
Huile légère russe 0,884 86,3 13,6 0,1
Huile lourde russe 0,938 86,6 12,3 1,1
Résidu du pétrole russe 0,928 87,1 11,7 1,2
Huile lourde de Pensylvanie 0,886 84,8 13,7 1,4

Bien que le pétrole russe ait une plus grande densité que celui de Pensylvanie, il peut brûler aussi bien[2], et les expériences du docteur Biel de Saint-Pétersbourg ont prouvé que la force d’ascension capillaire du pétrole de Bakou est supérieure ; on peut donc y mêler sans inconvénient une plus grande quantité d’huiles lourdes. Au contraire, le pétrole américain donne d’abord une flamme très

  1. Entre le pétrole de Bakou, essentiellement constitué par des hydrocarbures (Cn H2n) isomères de la série éthylénique, et le pétrole américain, formé d’hydrocarbures (Cn H2n + 2) de la série forménique, MM. Reilstein et A. Kurbatav ont trouvé un intermédiaire naturel dans le pétrole de Zarskije-Kolodzy, au centre du Caucase. Il se compose : 1° comme le pétrole américain, d’hydrocarbures forméniques ; 2° comme le pétrole de Hanovre et de Galicie, de petites quantités d’hydrocarbures (Cn H2n - 6) de la série aromatique ; 3° comme le pétrole de Bakou, d’hydrocarbures Cn H2n ; on y a trouvé du pentane (C5 H12), de l’hexane et de l’heptane, à côté d’un peu de benzol et de toluol. Remarquons que les hydrocarbures de Bakou, isomères de la série éthylénique, s’en distinguent nettement par leur peu d’affinité ; ils ressemblent par là aux carbures forméniques, et on les a considérés comme des carbures aromatiques perhydrogénés. (Dr Angenot, d’après Schützenberger et Jonine.)
  2. La puissance photométrique du pétrole russe, dans une lampe pouvant contenir 320 grammes d’huile, est de 12 bougies ; elle peut s’abaisser jusqu’à 9 bougies pour les huiles destinées à être consommées sur place.