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nord-est de la Perse, le chemin de fer transcaspien, dont la tête de ligne sur la Caspienne est Ouzoun-Ada. Quand la ligne d’Askabad à Téhéran sera construite, un billet circulaire permettra d’accomplir assez vite ce parcours, puisqu’il ne faut pas plus de vingt-quatre heures pour franchir la Caspienne et que le reste du parcours, d’Ouzoun-Ada à Bakou par Askabad, Téhéran, Kazvin et Adji-Kaboul, se fera en chemin de fer.

Des chemins de fer dans les steppes turkmènes et le royaume de Déjocès ! Quels beaux rêves pour l’avenir ! Mais ces rêves sont des projets, et cet avenir est tout prochain : avant la fin du siècle, Bakou aura retrouvé toute sa prospérité passée, assuré désormais d’être la métropole commerciale de l’Asie du centre, débarrassé de toute préoccupation relative au cours de tel fleuve du désert ; la voie ferrée solidement établie sur un sol ferme n’est pas sujette à ces fluctuations imprévues.

Mais, si le commerce profite de toutes ces voies nouvelles, la stratégie qui les a fait construire y trouve une utilité d’un tout autre genre. Pour nous, qui voulons éviter dans un simple récit de voyage toute discussion politique, nous rapporterons simplement les conclusions de M. Marvin, dont l’autorité dans toutes les questions militaires et politiques relatives à l’Asie centrale est incontestée en Angleterre. « C’est Bakou, dit-il, qui est la base de toutes les futures expéditions dans l’Asie centrale, c’est de là qu’on expédie les troupes et les munitions de guerre aux garnisons d’Akhal et de Merv. Krasnovodsk, sur la rive orientale de la Caspienne, marque simplement une étape de la route. C’est encore Bakou qui sera en temps de guerre le centre du ravitaillement.

Au point de vue commercial, puisque toutes les voies de trafic cherchent la mer et que la Caspienne est le débouché naturel des provinces du Syr-Daria, de l’Amou-Daria et du nord de la Perse, Bakou, on ne saurait trop le redire, est assuré du plus brillant avenir. Son port d’ailleurs, au fond d’une baie bien abritée contre les vents du nord et large de 9 kilomètres, est excellent de tous points. C’est Bakou qui tire du chemin de fer transcaucasien le profit le plus clair : la population, qui était de 12,000 habitans en 1870, de 15,000 en 1879, de 50,000 en 1883, atteint presque aujourd’hui le chiffre de 100,000, et s’accroît encore tous les jours ; le mouvement maritime est dès maintenant supérieur à celui d’Odessa et des ports russes de la Baltique. On a bien conscience de cette étonnante prospérité quand on parcourt les nouveaux quais du port, encombrés de marchandises, couverts de pontons de plus en