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la flamme, un peu pâle, est d’autant plus considérable que le trou est plus profond. Toute la cuisine indigène se faisait à ce feu : à cet effet, un coin de la maison était réservé pour creuser le sol, et, suivant les cas, on utilisait la chaleur ou la lumière de la flamme. L’appareil d’éclairage était un tube enfoncé dans le sol et qui pouvait être considéré comme un rudiment du bec de Bunsen. De nos jours encore, ces gaz servent au raffinage du pétrole et à la préparation industrielle de la chaux. Cette dernière opération est très simple : on creuse la terre à un mètre ou deux de profondeur, on recouvre le trou de pierres à chaux disposées de façon à laisser pénétrer l’air, et l’on enflamme le gaz ; les jets de flamme sont très puissans et peuvent atteindre, par un grand vent, jusqu’à trois ou quatre mètres de hauteur.

Il ne faut pas croire, comme on en serait peut-être tenté, que cette constitution du sol rende les incendies très nombreux et très dangereux : il est facile de se rendre maître du feu ainsi produit, d’autant plus que la chaleur dégagée est relativement faible ; les habitans sont d’ailleurs habitués à prendre quelques précautions qui suffisent pour écarter tous les risques.

Les Anglais continuaient toujours, surtout depuis la conquête de l’Hindoustan, à visiter le Caucase ; en 1S21, le voyageur Yule, explorateur du bassin de l’Oxus, évaluait à 4,000 tonnes la production annuelle des sources de Bakou ; en 1800, elle ne dépassait guère 1,500 ou 2,000 tonnes, quantité considérable si l’on songe à l’imperfection des procédés de distillation et des moyens de transport. En réalité, le naphte n’était pas distillé, mais physiquement épuré et séparé de l’eau de mer, dont la densité est plus grande. On faisait successivement passer dans plusieurs bassins le naphte brut ; l’eau de mer restait au fond, le naphte surnageait. On conçoit que les pertes dussent être énormes, et la rectification du liquide très lente. De plus, le naphte ainsi traité exhalait et communiquait aux vêtemens ou aux objets une odeur désagréable qui persistait fort longtemps.

L’importance de Bakou au point de vue du commerce avec la Perse fut de tout temps considérable ; aujourd’hui des bateaux à vapeur font plusieurs fois par semaine le service de Bakou à Enzeli, d’où les marchandises sont expédiées par Kazvin jusqu’à Téhéran. Les lettres mettent quatre jours pour aller de Téhéran à Kazvin, autant de Kazvin à Becht, et vingt-quatre heures de Recht à Bakou. Ce temps sera de beaucoup réduit par la construction du chemin de fer d’Adji-Kaboul à Téhéran, avec embranchement sur Becht ; le touriste aura la liberté de revenir en rejoignant à Askabad[1], au

  1. Depuis le mois d’octobre 1890, Askabad a pris une importance commerciale et stratégique toute nouvelle : une compagnie russe a obtenu du shah de Perse la concession du chemin de fer d’Askabad à Meched, sur la route de Hérat.