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particuliers, sujets de sa majesté catholique, et pourtant nous doutons fort (M. Blaine en doute un peu lui-même, si nous ne nous trompons)[1] qu’on puisse invoquer un tel exemple à titre de précédent. D’abord le gouvernement fédéral indemnisa le consul, à raison de son caractère officiel et parce que cet agent lui parut être plus particulièrement placé sous la protection des États-Unis. Ainsi l’exigeait, sans doute, avec une évidence invincible, la coutume internationale. Mais les États-Unis ont eux-mêmes reconnu, ce jour-là, que certains devoirs mutuels n’avaient pas besoin d’être sanctionnés par un acte écrit. Ensuite il s’agissait de dégâts commis dans une émeute, et la jurisprudence internationale, après certaines hésitations, a fini par reconnaître que les gouvernemens n’étaient pas responsables des pertes subies par les étrangers à la suite de troubles intérieurs ou dans une guerre civile. Mais la note du comte de Nesselrode, qui a fixé depuis 1850 cette jurisprudence, se borne à dire : « D’après les principes du droit international tels que les entend le gouvernement russe, on ne peut pas admettre qu’un souverain, forcé par la rébellion de ses sujets de reconquérir une ville occupée par les insurgés, soit obligé d’indemniser les étrangers qui, au milieu de pareilles circonstances, ont pu être victimes de pertes ou de préjudices quelconques, » et le jurisconsulte Rutherforth a très exactement discerné, dans ses Institutions de droit naturel, des situations qui sont, en effet, différentes. « Une nation qui n’empêcherait pas ses sujets de nuire aux étrangers, dit-il, engagerait sa responsabilité parce que, les nationaux étant placés sous son autorité, elle est tenue de veiller à ce qu’ils ne portent pas préjudice à autrui. Mais une semblable négligence ne rend pas une nation responsable des actes de ceux de ses sujets qui se sont mis en état d’insurrection et ont rompu leurs liens de fidélité ou qui ne se trouvent pas dans les limites de son territoire. En pareille circonstance et quel que soit, en droit, le caractère qu’on veuille attribuer à leurs actes et à leur conduite, ces citoyens cessent d’être en fait sous la juridiction de leur gouvernement. » Les scènes de lynchage qui se reproduisent sans cesse aux États-Unis n’ont pas ce caractère insurrectionnel. La Floride, le Colorado, le Texas, la Louisiane, le Kentucky, l’Ohio, la Caroline du Nord, le territoire de Washington, etc., n’ont pas rompu depuis le 20 février les liens qui les rattachent à la patrie commune, et personne ne cesse d’y être, en fait, sous la juridiction du gouvernement fédéral. Il y a, dans tous ces états et dans

  1. La dépêche du 14 avril signale très loyalement diverses particularités qui distinguent ce conflit du conflit actuel.