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l’extradition « n’est pas fondée dans la rigueur de la loi naturelle, » soit qu’elle est « subordonnée à des considérations de convenance et d’utilité réciproques. » En 1791, Jefferson, n’étant encore que secrétaire d’état, saisi d’une demande d’extradition, répondit : « Les États-Unis accueillent tous les fugitifs, aucun pouvoir n’a été donné à l’exécutif pour les livrer ; les lois du pays ne concernent point les crimes commis en dehors de sa juridiction, et le criminel le plus atroce qui viendrait se placer dans leur sphère d’action serait reçu comme un innocent. » Même en 1827, Henri Clay, secrétaire d’état, quand il adressait au cabinet de sa majesté britannique une demande d’extradition, faisait appel à sa courtoisie, à son esprit de justice, mais ne se fondait pas sur « un droit strict. » Le gouvernement fédéral pourrait donc, à coup sûr, en invoquant ces précédens et ces principes, repousser, sans fournir un juste motif de guerre et même sans susciter un incident diplomatique, la demande d’extradition formée par un état avec lequel il n’aurait pas conclu de traité spécial. Encore n’a-t-il pas usé de ce droit en 1860, lorsque le gouvernement espagnol, avec lequel il n’avait pas de traité, lui demanda l’arrestation d’Arguelle, un de ses fonctionnaires, coupable d’avoir vendu tout un chargement de nègres saisis à bord d’un navire qui faisait la traite : une résolution tendant à dénoncer cette condescendance du président comme inconstitutionnelle fut repoussée par la chambre des représentans à une forte majorité : « Il peut être concédé, avait dit à ce sujet le secrétaire d’état Seward, qu’il n’existe aucune obligation internationale d’effectuer cette remise, tant qu’elle n’est pas reconnue par un traité ou par une loi spéciale ; cependant une nation n’est jamais tenue de procurer un refuge aux criminels dangereux qui violent les lois de l’humanité. » Mais il ne s’agit pas, cette fois, d’une extradition, et l’on a pu, nous allons bientôt l’établir, violer le droit des gens sans violer le traité de 1871.

M. Blaine oppose encore à l’Italie la réponse faite en 1851 par le gouvernement fédéral à l’Espagne. A cette époque, l’île de Cuba avait été envahie par Lopez et ses partisans, qui y arboraient pour la seconde fois le drapeau de la rébellion. Après la défaite de l’insurrection, les troupes royales firent fusiller cinquante flibustiers nord-américains tombés entre leurs mains. En apprenant cette exécution, la population de la Nouvelle-Orléans se souleva, blessa plusieurs Espagnols, commit des dégâts dans divers établissemens exploités par les Espagnols, outragea le consul espagnol, dont elle envahit le domicile, et la chancellerie. Il est certain que, dans cette conjoncture, le secrétaire d’état Webster refusa les dommages-intérêts réclamés à raison des préjudices soufferts par les simples