Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 105.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cet avis n’empêche pas plusieurs réunions secrètes. Un autre meeting secret se tient dans la ville d’Hazleton (Pensylvanie). S’il faut en croire le correspondant du Herald, les Italiens présens jurent sur le stylet de leur leader d’immoler un certain nombre d’Américains aux mânes de leurs compatriotes (1er avril). Le lendemain, les journaux racontent qu’une vive effervescence règne à Chicago ; on y annonce un grand meeting de protestation pour le soir ; on y redoute une collision sanglante entre les Américains et la population italienne. Le 5 avril, c’est une série de mauvaises nouvelles : en Pensylvanie, Gabarrio, leader de trois cent cinquante Italiens employés près de Newcastle, a raconté, dit-on, que vingt mille conjurés peuvent se concentrer à Pittsburg et s’emparer de la ville en quelques heures ; dans la Virginie orientale, des Italiens ont tenté de faire dérailler un train ; on répand même le bruit que deux mille Italiens s’équipent, aux environs de Moundsville, dans l’intention de marcher sur la Nouvelle-Orléans. En Europe, personne n’oubliait que les Italiens n’avaient pas commencé ; mais on l’avait oublié complètement au-delà de l’Atlantique. En conséquence, après ce concert de récits belliqueux, les Américains jugèrent bon de se mettre à l’unisson ; les menaces de représailles leur parurent légitimer des représailles véritables. Le 6 avril, on empêcha seize immigrans italiens de débarquer à New-York, on les astreignit à repartir, et les journaux des États-Unis annoncèrent que des mesures sévères allaient être prises pour entraver l’immigration italienne. On commença, pour justifier ces rigueurs, à dresser une statistique des assassinats et des autres crimes commis par les membres de la Mafia et des autres sociétés secrètes. On alla chercher des armes dans un rapport de M. Carleton, consul des États-Unis à Païenne, sur les exploits des bandits qui avaient rançonné l’année précédente, en Sicile, un certain nombre de citoyens américains. On poussa M. Blaine à provoquer un incident diplomatique à l’occasion d’un meurtre suivi de vol commis, deux ans plus tôt, près de Willkesbarre (Pensylvanie), par plusieurs Italiens, dont deux au moins étaient allés dépenser dans leur pays la somme volée. Enfin plusieurs feuilles illustrées se donnèrent le malin plaisir de faire la caricature du roi Humbert, et l’une d’elles, paraît-il, le représenta sous les traits d’un singe.


IV

On sent bien, même dans les États de l’Ouest et du Sud où les exécutions sommaires sont particulièrement usitées, que le gouvernement fédéral désapprouve un semblable usage. Mais c’est à quoi, ce semble, on s’est résigné jusqu’ici sans la moindre peine.