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chapitre cathédral ou collégial, de tel seigneur laïque, d’un brevetaire, d’un indultaire, et souvent du titulaire lui-même : ainsi, de ce côté, les prises que l’évêque avait sur ses clercs étaient faibles ; il ne les tenait point par l’espoir d’une grâce. — Et, de l’autre côté, ses prises étaient encore moindres ; il ne les tenait point par la peur d’une disgrâce. Presque impunément, ils pouvaient lui déplaire ; sa faculté de sévir était encore plus restreinte que ses moyens de récompense. Contre sa défaveur ou même contre son hostilité, ses subordonnés avaient des abris et des refuges. D’abord, et en principe, un titulaire, ecclésiastique ou laïque, était propriétaire de son office, partant, inamovible ; eux-mêmes, par les déclarations de 1726 et de 1731[1], les simples curés-vicaires, les humbles desservans d’une paroisse rurale, avaient acquis ce privilège. De plus, en cas d’interdiction, de suspension ou de censure, contre l’arbitraire épiscopal et tout arbitraire, contre toute atteinte aux prérogatives spirituelles ou temporelles, honorifiques ou utiles de sa charge, un titulaire pouvait toujours recourir à des tribunaux.

Il y en avait de deux espèces, l’une ecclésiastique, l’autre laïque, et, dans chaque espèce, appel d’une cour inférieure à la cour supérieure, de l’official diocésain à l’official métropolitain et du présidial au parlement, avec un personnel judiciaire complet, juge, assesseurs, ministère public, procureurs, avocats et greffiers, astreints à l’observation de toutes les formes judiciaires, écritures authentiques, citations des témoins et récusations des témoignages, interrogatoires et plaidoyers, allégation des canons, lois et précédens, présence du défendeur, débats contradictoires, procédures dilatoires, publicité et scandale. Devant les lenteurs et les inconvéniens d’un tel procès, souvent l’évêque évitait de frapper, d’autant plus que ses coups, même confirmés par le tribunal ecclésiastique, avaient chance d’être parés ou amortis par le tribunal laïque ; car, du premier au second, il y avait appel comme d’abus, et le second, rival jaloux du premier, était mal disposé pour les autorités sacerdotales[2] ; d’ailleurs, dans la seconde instance, encore plus que dans la première, l’évêque trouvait en face de lui,

  1. L’abbé Élie Méric, ibid., p. 448.
  2. Id., ibid., p. 392 à 403. (Détails à l’appui.)