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compris pendant quinze ans dans un état mixte, s’est détaché et constitué à part. Dans l’Amérique protestante, les catholiques, multipliés par millions, ont formé des communautés nouvelles ; dans l’Amérique catholique, les colonies sont devenues indépendantes ; presque partout en Amérique et en Europe, les maximes du gouvernement et l’opinion publique ont changé. Or, après chacun de ces changemens, pour raccorder l’établissement ecclésiastique avec l’établissement laïque, il fallait une initiative, une direction, une autorité ; le pape était là, et c’est lui qui, chaque fois, a fait le raccord[1]. — Tantôt, par un acte diplomatique analogue au Concordat français de 1801, il traite avec le souverain du pays, avec la Bavière, le Wurtemberg, la Prusse, l’Autriche, avec l’Espagne, le Portugal, les Deux-Siciles, avec les Pays-Bas, la Belgique, la Russie. Tantôt, grâce au libéralisme tolérant ou à l’indifférence constitutionnelle du gouvernement laïque, il statue à lui seul, notamment en Hollande, en Irlande, en Angleterre, au Canada, aux États-Unis, pour diviser le pays en circonscriptions ecclésiastiques, pour y ériger de nouveaux sièges, pour y régler à demeure la hiérarchie, la discipline, les moyens de subsistance et le recrutement du clergé. Tantôt, lorsque la souveraineté est en litige, comme après l’émancipation des colonies espagnoles, il passe outre, malgré l’opposition de la mère-patrie, et, « sans se mettre en rapport avec les gouvernemens nouveaux[2], » de son propre mouvement, « pour faire cesser le veuvage des Églises, » il leur nomme des évêques, il leur assigne un régime provisoire, en attendant l’époque où, de concert avec des gouvernemens mieux assis, il décrétera leur régime définitif. — De cette façon, toutes les grandes Églises actuelles de l’univers catholique sont l’œuvre du pape, son œuvre récente, sa création attestée par un acte positif dont la date est voisine et dont le souvenir est vivant : il ne les a pas reconnues, il les a faites ; il leur a donné leur forme externe et leur structure interne ; aucune d’elles ne peut se regarder sans retrouver dans ses statuts l’empreinte toute fraîche de la main souveraine qui l’a façonnée ; aucune d’elles ne peut se dire ou même se croire légitime, sans déclarer légitime l’autorité supérieure qui tout à l’heure lui a conféré la vie et l’être. — Dernier pas, et le plus grand de tous, par-delà les choses de la terre et de l’ordre

  1. Principaux Concordats : avec la Bavière, 1817 ; avec la Prusse, 1821 ; avec le Wurtemberg, Bade, Nassau, les deux Hesses, 1821 ; avec le Hanovre, 1824 ; avec les Pays-Bas, 1827 ; avec la Russie, 1847 ; avec l’Autriche, 1855 ; avec l’Espagne, 1851 ; avec les Deux-Siciles, 1818 ; avec la Toscane, 1851 ; avec le Portugal (pour le patronat des Indes et de la Chine), 1857 ; avec Costa-Rica, 1852 ; Guatemala, 1853 ; Haïti, 1860 ; Honduras, 1861 ; Equateur, Venezuela, Nicaragua et San-Salvator, 1862.
  2. Bercastel et Henrion, XIII, 524.