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vieux nom de Beni-Israël, et qu’on croit indigènes de l’Inde ; — des noirs, qui paraissent descendre d’anciens esclaves nègres convertis. En Perse, aussi, on remarque deux sortes de juifs, différens par l’aspect et le type physique.

Il n’y a point, chez le juif d’Europe, de contraste aussi marqué. Mais, là même où les israélites ne sont pas séparés par la coutume en groupes distincts, un œil attentif perçoit souvent, parmi eux, des types ou sous-types encore mal fondus. Et cela n’est pas seulement vrai des grandes juiveries de l’Est. Il y a ainsi des juifs de haute taille et des juifs de petite taille ; il y en a de bruns, et il y en a de blonds ; on rencontre, chez eux, des yeux noirs et des yeux bleus, et des nez épatés ou retroussés à côté des nez minces et crochus. Pareilles différences, si l’on regarde la forme du crâne ou du squelette. Les caractères anthropologiques ne sont pas les mêmes pour les juifs de tous les pays ; ils varient parfois pour les juifs du même pays[1]. Il ne se rencontre pas là, d’habitude, de caractères assez constans pour distinguer nettement les israélites de leurs voisins d’autres religions[2].

Entre tous les groupes de populations qui prétendent se rattacher à Jacob, les deux plus intéressans peut-être, les deux plus singuliers à coup sûr, sont les Karaïm et les Samaritains. Rejetant également le Talmud, Samaritains et Karaïm sont, depuis des siècles, isolés du gros d’Israël. Je les ai visités les uns et les autres, avec la curiosité d’un naturaliste en face d’espèces en voie d’extinction. Il était intéressant, pour moi, de les comparer aux juifs talmudistes des mêmes régions. J’ai rencontré, sur le mont Garizim, les débris des Samaritains rassemblés, sous trois tentes, pour la fête de Pâques ; ils vont encore, chaque année, sur la montagne sainte d’Éphraïm, immoler l’agneau pascal. Le lendemain, je visitai leur synagogue de Naplouse, et je causai avec leur rabbin pendant qu’il me montrait leur fameux manuscrit du Pentateuque, le seul livre dont ils reconnaissent l’autorité. « Nous sommes cent quatre-vingts Samaritains, me disait, en anglais, le chef de leur communauté, tout en déroulant devant moi l’antique volumen ; — c’est, sans doute, la religion la moins nombreuse du globe, ce n’est pas une raison pour que notre religion ne soit pas la vraie. » J’avoue que, dans leur visage, je ne trouvai, chez ces Samaritains, séparés des

  1. On ne saurait attacher grande importance à « l’indice céphalique » des juifs. Les observations portent sur un trop petit nombre d’individus. D’après Pruner-Bey et Lombroso, les juifs d’Afrique ou d’Italie seraient plutôt sous-dolichocéphales. — D’après les mensurations prises par MM. Koperniki et Majer, les juifs de Pologne seraient généralement brachycéphales ou sous-brachycéphales.
  2. Voyez les observations réunies par M. Loeb. (Article Juifs du Nouveau Dictionnaire de géographie universelle.)