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contemporaines, d’autres « allogènes » ou « allophyles » que le Sémite juif ? Au milieu de nos peuples soi-disant aryens, je vois, au moins deux élémens ethniques étrangers aux Aryas, deux races dont, après le dénivellement de notre continent par le flot des immigrations aryennes, émergent encore, du sol européen, de nombreux témoins. Qu’est-ce, en effet, que les Ibères ou les Ligures d’Espagne, de Provence et d’Italie ? Qu’est-ce que les Finnois de Hongrie, de Finlande, de Russie ? Seraient-ce donc des Aryens ? ou le Sémite nous serait-il plus étranger que les Ibères de la Péninsule ou les Finnois de la Baltique ? Je ne crois pas que ce soit l’avis des ethnographes. En tout cas, pour qui a pu comparer le juif à l’Esthe du golfe de Finlande ou au Tchérémisse du Volga, il est malaisé de ne pas reconnaître que, du Finnois et du Sémite, c’est ce dernier qui est le plus près de nous. Or, si les Ibères d’Espagne, si les Finnois de Hongrie ou de Finlande ont pu s’approprier notre civilisation « aryenne, » on ne voit point pourquoi le Sémite juif en serait incapable.

Il nous répugne de nous arrêter ici sur ces questions d’ethnographie, si confuses, si obscures pour les spécialistes mêmes. Nous y apportons, le plus souvent, une ignorance naïve. Nous parlons de « race sémitique, » sans seulement être sûrs qu’il ait jamais existé un groupe ethnique qui doive être ainsi désigné. On en a fait la remarque plusieurs lois : ce nom de sémitique n’est en réalité qu’un terme de linguistique ; il ne correspond peut-être à aucun groupement de race. Nous appelons les juifs sémites, parce que les anciens Hébreux parlaient une langue dite sémitique ; et la langue, nous le savons de reste, ne prouve rien quant au sang. Un peuple peut changer de langue, sans pour cela changer de race. Les Irlandais, pour avoir appris l’anglais, n’en sont pas devenus Anglo-Saxons ; et les noirs de nos Antilles, qui parlent français, ne sont point, pour cela, de race « aryenne. »

Le terme de sémite est peut-être plus propre à embrouiller la question qu’à l’éclairer. Il ne nous renseigne guère sur les origines et la parenté d’Israël ; il risque de nous induire à de trompeuses affinités et à des analogies mal fondées. Peu importe, gardons-le, faute d’autre nom à lui substituer. Est-ce que le Sémite juif est noir ou jaune ? Est-ce que, par sa structure physique ou mentale, il est si éloigné de nous qu’il forme comme une autre humanité, une autre espèce ou sous-espèce ? Est-ce qu’en s’unissant à nos fils ou à nos filles, il donne des mulâtres ou des métis ? Peut-on comparer la présence de ces Sémites parmi nous à celle des Chinois ou des noirs parmi les. Américains ? Le juif nous expose-t-il à des embarras semblables à ceux qu’ont à